Rapide visite du château de Pubol, de son parc.
Dans les années 60, Salvador Dali
occupait de façon récurrente la meilleure place du dimanche midi consacré à la culture, à l’art, ou plutôt L’ART ! Il était haut en couleurs, paradoxe dans cette télé en noir et blanc. Son
chapeau haut de forme, sa cape, son bonnet et ses babouches, son langage à double vitesse : des mots complexes énoncés syllabe par syllabe, suivi d’une cascade de phrases rapides. Son accent
parfaitement accentué, et le regard vivant faussement fixe, faussement fou, exorbité, ironique, rieur, moqueur, cillant tout d’un coup dans une douce complicité accrocheuse. La cape oscillant
autour de lui dessine un espace espiègle insaisissable, la cane à pommeau, tout d’un coup le campe en statue, modèle musée Grévin.
On ne nous présentait dans la montre mole que le coté virtuose de l’artiste. L’image trompe l’œil, et la montre fond sous notre regard médusé. Au moment où tu écoutais tant de musiciens qui cassaient les formes, en inventaient de nouvelles, ton oreille suivait avec passion : Pierre Henri, Stockhausen, Xenakis. Mais la peinture, la sculpture n’avaient pas de résonnance en toi.
Dans ton lycée, personne ne prenait cet artiste au sérieux, et aurait pu t’expliquer tous les symboles de la pensée de
Dali parfois cachés dans des détails minuscules ou écrasés par la dimension et la virtuosité de l’œuvre. Aucun prof d’art ne rebondissait sur une
« pitrerie » télévisée pour analyser son génie, sa créativité. En dehors du Louvre, l’art n’avait pas de salut.
C’est ce manque qui t’avait fait saisir cette opportunité de suivre ses pas, dans l’intimité des espaces personnels : Port Lligat, ou Pubol, ou dans la démesure de son musée Théatre.
Le conférencier a le génie de te faire passer de la masse au détail, de la forme au symbole, de la matière à la pensée, de l’usage détourné des objets à leur beauté profonde, de la déformation des formes à l’imaginaire du temps.
La visite du château de Pubol te plongera longtemps dans un silence respectueux. Pour une fois tu ne ricanes pas de la foi d’un homme en Dieu, ni du chemin tortueux le menant à son amour pour Gala. Cœur et talent, même combat !
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