Ce printemps, comme je rentrais d’une de mes randos en VTT dans l’Ardèche, je réponds à la question bateau : « qu’est-ce que t’as fait ? Combien de kilomètres ? Et tu rentres seulement ? »
La douche prise, le vin blanc et le saucisson en main, je réponds facilement. Je suis content de ma journée. J’aime alterner les ballades bien préparées, où je sais ce que je veux découvrir, et d’autres où j’ai juste repéré un lieu et où je me laisse aller au gré des routes et des chemins, sans compter ma capacité naturelle à me perdre. Des fois il me suffit d’une remarque saisie dans la conversation sur un beau coin, pour que le lendemain j’aille voir.
« J’ai des copains qu’ont fait le Ventoux. T’as fait le Ventoux ?
Non je n’y suis pas arrivé, j’ai essayé 4 fois et j’ai abandonné, trop dur ! Pas préparé ! Pas le bon vélo… » Un jour j’avais crevé 3 fois, et fais plus de 10Km en poussant la bécane !
S’en suivent des remarques, « faut le faire par le nord, de bonne heure … faut vraiment le faire !»
Je n’ai même pas de photo à te montrer ! Les jambes dures comme de la pierre, les yeux en papillonnade, le cœur au bout des lèvres, comment aurais-je pu faire une photo ? Après çà je suis resté quelques temps sans faire de vélo, puis j’ai acheté un VTT. Et aussi j’ai changé mon regard sur la ballade. Maintenant, je vélo est dans le coffre. Où que je sois, je le sors et je me laisse porter. Que ce soit pour une heure ou une journée ce qui compte c’est le plaisir de découvrir un coin ! Tu devrais faire l’essai. Tu ne vois pas la même chose depuis ta voiture. Et surtout tu respires, tu entends tout.
Ensuite t’as tes parcours fétiches. Ceux que tu fais au moins une fois par an. Ils sont tes repères : bonne grimpée, bonne descente, le cœur tient bon, le souffle est là. Les paysages changent en dix ou quinze ans, mais tu as le plaisir de te reconnaître, de retrouver la fraîcheur de la première fois, de repenser à plein de trucs. L’appareil dans le sac à dos, le coup de soleil, le nuage, l’arbre, la bergerie, c’est l’occasion de t’arrêter, de tourner un peu autour, et d’armer tes souvenirs d’un coup de caméscope ou d’appareil photo. C’est fou ce qu’on peut se dire dans une journée de vélo !
Mon coin fétiche c’est le vieux pont de Viellenave ! A pieds, en vélo et pour les invités en voiture, j’y vais chaque fois que je peux. Accolé au pont, un vieux
moulin, en cours de réhabilitation, d’un coté la petite église et de l’autre cette grosse exploitation agricole. Au milieu coule la Bidouze. De là j’ai au moins quatre directions, chacune te
montre un paysage différent.
Ce matin de février, j’ai pris la direction d’Orègue, pour prendre la petite route (j’en ai connu des passages non goudronnés) qui va vers Isturits. Rien que des bosses et des creux. Mais quand tu es en haut de la crête, tu as l’horizon pour toi. Tu te lances dans un chemin herbeux qui tout d’un coup te plante devant une ruine. Dur à remonter. C’est la que la photo te sauve.
A peine en haut, tu repères cette bergerie là bas. Tu y fonces. Ces collines basques, dans ce paysage faussement désert ! Tu vas de coup de cœur en coup de cœur. Ta bergerie est une résidence ? Elle est si pleine de charme ! Descendre encore ce chemin, et puis rentrer tranquille, la tête pleine de vent, de lumière, et d’odeurs.