Alors, tu bidouzes toujours à vélo ?
Le vieux VTTiste refait son sac. Il teste ses chambres à air, sa colle à rustine, se met les boudins à 3 bars, et s’élance.
Ouf ! Ouf !
L’hiver a été long. Le mal au dos part du cou, et te plombe le dos. Arthrose ! T’as plus mal quand tu ne fais rien que quand tu te bouges. Cet hiver moins de 400 km en trois mois. Ton dérailleur ressemble à un aiguillage de la SNCF mal graissé. A lui tout seul, il te bloque un TGV.
Dis, le vieux VTTiste, tu te prends pour le TGV ?
Oui, t’es un Très Gros Vttiste !
C’est l’inaction qui rouille plus que l’usure, mais tu ne peux passer ta vie à pédaler. Il faut bien vivre !
T’as fait la route sous un soleil radieux, t’as bouffé du gazole pour ta clim, passé un jour à mettre le gîte en état de villégiature: Quand tu te lances, il fait gris et tu recevras en prime deux ondées. Pas des averses, non, rien qu’un mauvais rafraichissement, et des lunettes embrouillées.
Pour savoir où t’en es, tu choisis une bonne vraie cote, un peu des berges de la Bidouze entre caillasse et vieux trous boueux desséchés. Puis le retour en grimpant cette pente raide qui te renvoie à l’entrée de Bergouey.
T’es étonné de grimper normalement, pas usé. Alors après les photos au vieux pont entre Bergouey et Viellenave, tu te votes un petit rab, vers Biscay et Labets. Pourquoi en haut, tu vires à gauche plutôt que de continuer comme dab ? Tu ne le sais pas. T’arrives dans une cour d’exploitation agricole. Une femme, un homme sont là, qui t’invitent à remonter jusqu’au « château ». Tu fais pas cent mètres que le pneu couine. Crevé !
Bien sûr dès que tu poses le pied par terre une escouade de chiens accoure en aboyant. Tu dis, d’une voix faussement tranquille : « bonjour les chiens, vous voulez réparer ma roue ? »
Tu vides ton sac préparé une heure plus tôt, choisis une chambre à air entre les deux de secours : la quatre rustines ou la trois rustines ? Elles ont un peu plus d’un an : sept crevaisons en un an. Là tu démarres la nouvelle année : champagne pour la une !
Les chiens t’agacent, tu laisses échapper deux fois les démonte-pneu. Quand tu insères la nouvelle chambre, les chiens se taisent. Un jeune garçon, pas plus de quatre ans s’approche. Le langage n’est pas assuré. Il a ses bottes, son anorak à la capuche rabattue. « T’es un papa ? Drôle hein, drôle papa ? »
Bien sur dans ta combi noire et rouge, tu ressembles pas à l’instituteur.
« Salut ! oui je suis papa »
« Si t’es papa, je peux bisou ? »
Il te montre sa joue de son doigt appuyé.
Tu poses ta roue, t’accroupis et le gamin trouve la place au coin de la joue derrière la courroie du casque, de te faire un petit bisou léger. Il se recule, te regarde de ses yeux arrondis, sourit et s’en va en quelques pas vers la ferme.
Les chiens sont couchés là.
Trois coups de pompe, tirer sur le pneu, faire le tour en malaxant bien, regonfler, et repartir.
Les chiens ne sont plus là.
T’as connu des circonstances plus sévères, tu vas relire le "Petit Prince".