La rentrée c'est pas que pour les profs, pour les profits aussi !
Comme tu sais, mes gosses travaillent à la Défense. J'y avais travaillé, il y a bien longtemps. J'ai aussi bossé de
l'autre coté de l'Arche, sur Nanterre. J'ai pris le RER. Le « A » ! On devrait dire le « Haaa.... » comme dans le dernier souffle d'une détresse insondable. La rentrée,
le RER la joue sur l'épuisement , sans humour. Tu te rappelles ce feuilleton à la radio, dans les années soixante, avec Zappy Max, « ça va bouillir ». Le RER A, c'est la suite,
sans rire : on te compresse, on t'étuve, on t'angoisse, et on t'achève : « ce train ne prend plus de voyageurs, merci de descendre et de rejoindre votre destination par les
correspondances ». Ils te disent pas « tirez vous, bandes de cons », mais le cœur y est. Ça va bouillir ! Ça va forcément bouillir! De la maltraitance pareille, quand c'est
les cochons, les écolos, greenpeace manifestent. Les vétérinaires portent plainte à la SPA ! Là, rien ! Dans le feuilleton, le « Tonneau », Kurt von Strafenberg avait une invention
diabolique pour capturer ses victimes, les enfermer au secret; le pauvre Zappy Max, d'épisode en épisode, expirait chaque fois plus profondément. Il ne lui restait qu'un souffle, on n'osait pas
arrêter la radio de peur qu'il ne passe pour de bon. Le lendemain midi, on s'attendait au pire, pourvu qu'il ne lui soit rien arrivé ? Doucement, la radio nous laissait entendre, le souffle
étouffé ; comment pouvait-il encore nous dire où il était et ce qui s'était passé hier ? On imaginait bien que c'était « pour de faux », mais avant de retourner en classe (on
était plus souvent 40 que 35), on se faisait peur..
T'as connu les trolleys, les bus dont la plate-forme trainait par terre, les attentes, les soirs d'hiver dans le vent
glacé, du bus coincé au rond point des Bergères. Le receveur hargneux parce que ta carte hebdo d'étudiant avait été poinçonnée sur le retour au lieu de l'aller ! Je te le dis, c'était le bon
temps. Le RER A, c'est mille Zappy Max à l’agonie, les téléphones brouillés, tous s’épuisent dans un râle à avertir, un coup au bureau, un coup un rendez-vous, le plus souvent la nourrice :
« c'est en panne, ils avaient annoncé un quart d'heure, mais non, ça ne repart pas. Je suis sur le quai, ils laissent encore descendre, on ne peut pas passer, le changement pour la
« une » est bloqué, je ne sais pas quand je serai là ». Tu regrettes les grèves, au moins t'es averti, tu t'organises !
Ce feuilleton là, c'est pas du bidon, l'épisode se renouvelle presque tous les jours. Plusieurs choses, quand même, sont
différentes avec la radio des années soixante. Le feuilleton change d'heure à chaque fois, quelque soient les explications, on n'y comprend rien, mais ce qui est sûr, c'est que demain il y aura
un nouvel épisode imprévu : ça va bouillir sur le RER A !
Pendant que les salariés sont en panne de métro, les profits courent toujours sur la dalle de la Défense.
T'entends : « les loyers sont tellement chers, qu'il faut rendre deux étages ! La RH est passée, ceux qui avaient deux bacs en abandonnent un, les armoires basses, c'est une pour
quatre, les licences logicielles seront partagées, il y aura deux PC pour chaque licence en libre service : bonjour la bataille , quand les dix qu'y en ont besoin à 16h00 vont se jeter
sur les postes ! »
Pendant ce temps là, sur cet espace si restreint et si cher, les tours montent ! Pour casser un bâtiment de moins de
quarante ans et construire une nouvelle tour, les profits sont toujours là. Encore cinq mille gus qui vont s'ajouter à la cohue du RER A. La thune roule pour le bâtiment, si on taxait les profits
générés pour financer le transport des employés, sûr que ça ralentirait l'entassement et les pannes. On va peut être, faute de mieux réactiver les "premières classes" : les « secondes »
sont entassés dans le wagon, ils soutiennent à bout de bras les « premières » au dessus de leurs têtes. En plus, ils économisent le cour de step et de muscu !
Encore quelques photos du mois de juin. La fameuse « Grande Arche », n'est plus visitable. Les défauts de
construction sont tels que la terrasse n'est plus accessible. Beaucoup de monde sur ses marches pour le pique-nique méridien. Du travail, pour le ramassage des sacs repas.