La piste de l’Ourcq
Les Grands Moulins de Pantin

Je sorts du garage Renault de Pantin, et me retrouve déambulant le long du canal de L’Ourcq. Il est à peine huit heure, les chantiers ronronnent.
Que connaissais-je des Grands Moulins de Pantin ? Rien. Ils faisaient partie de mon patrimoine visuel. (Et je rejoins là, la route de Moffans.) J’y suis passé devant pour la première fois
vers la fin des années 50. L’équipe de basket du « patro » était souvent transportée par le père d’Hervé, de Levallois, avec sa grosse Oldsmobile. On allait de banlieues en banlieues,
et le clou du championnat c’était l’ASDB, où l’on jouait en salle et partout ailleurs dehors, sur des terrains en terre stabilisée.
L’hiver la nuit tombait tôt. Et la circulation sur les boulevards des maréchaux se faisait à bonne vitesse. On voyait au loin ces grands bâtiments
sombres. Les Grands moulins de Pantin. Leur masse impressionnait. "Qu'est-ce que c'est ?" La réponse tombée on était loin…
J’ai redécouvert le coin il y a une quinzaine d’années, quand j’ai commencé à faire du vélo sur la piste de l’Ourcq. Le dimanche on ne voyait
personne. Je me disais qu’ils étaient désaffectés. Des fois quand un petit groupe s’était formé, je demandais si ça travaillait encore ? « sais pas ! » répondaient les plus
intrépides…
Pourtant, la farine, le pain, ça devrait se voir : d’où ça arrive, comment ça se passe ? On voit seulement le matin vers les sept heure le
camion qui livre la boulangerie du coin. La pompe dans son long hululement pousse la farine au fournil. C’est un bon réveil quand on a oublié de se lever pour aller bosser.
D’autant que toujours mal stationné, le camion provoque quelques coups de klaxon exaspérés.
Je ne sais pas si je connaitrai un jour toute l’histoire du canal de l’Ourcq, livrant le blé de Brie, le charbon et la viande jusqu’à la Villette.
Je sais juste que la ballade, la flânerie m’emportent toujours dans des rêves impossibles. La piste de l’Ourcq, c’est la nostalgie du temps passé au travers la brutalité des changements
d’aujourd’hui. Ce cours continu de l’eau c’est l’histoire de mon petit temps qui coule. Comment chaque vaguelette si identique à la précédente est aussi tellement différente et
insaisissable. Et le long de ce chemin de hallage que de vies, d’espérances, de sueurs, et aujourd’hui de contemplation de ce temps fini. Le nouveau temps s’est installé un peu plus loin à
l’atelier de réparation de TGV Est. La piste de l’Ourcq c’est des joggeurs, des cyclistes, des rollers qui se réapproprient l’espace abandonné par les
chevaux, les brodequins, les bottes, les sabots peut-être, mais aussi, les locomotives fumantes, les péniches, qui avaient construit le tissu industriel de cet est de Paris.
Que vous dire sur les Grands Moulins ? Rien de plus que sur vos recherches sur le Web. Qu’une première minoterie s’est construite en 1880. Une
lettre d’un témoin sur un site de l’Huma explique l’incendie suite à l’explosion d’une péniche d’explosifs pendant la dernière guerre. Que la reconstruction à permis à des centaines de personne
de travailler, jusqu’à la fermeture progressive et définitive du site en 2001…
Moi, je n’y ai vu des hommes -et pour démolir- que depuis le retour de vacances. Démolition, réhabilitation. Effacement des traces de tous ceux qui
y ont travaillé si longtemps.
Paradoxe ! Et je vous
en montrerai des photos, on installe des fermes dans les expos à toute occasion : lapins, poules, cochons, veau, âne, vaches, chevaux bien sur. Pas une animation « culturelle »
sans les images d’Epinal de la paysannerie traditionnelle (et qui n’existe plus) !
Et des ouvriers de la fonte, de la tôle, de la presse, de l’emboutissage, de la chaudronnerie, de tout ce qui a permis l’ère moderne de
l’industrie ? Jamais un stand dans les expos. L’odeur du cambouis, ne vaudra jamais celle du crottin de cheval dans notre imaginaire ! Sur ce sujet il faudra un jour demander des
comptes aux intellectuels, et aux verts. Pour les premiers l’intelligence prime sur le savoir-faire, pour les autres les usines ne sont que des sources de pollution. Pourtant les usines manquent
et bien des chômeurs se rêvent encore ouvrier.
A suivre: démolition des grands moulins de Pantin (2007)
A voir aussi: Reconstruction des Grands Moulins de Pantin (2008)