Autour du 104 - le Crachat.
Ce miroir parabolique qui te renvoit l'éclair du
flash sur le mur aveugle du 104, c'est la contradiction de notre système, de notre monde. Ce mur n'est aveugle que d'un coté, il ne veut pas voir la réalité du monde. L'œil schizophrène ignore
dans la foule béate de ce dimanche d'inauguration, le quartier abandonné qu'il a du traverser. Ils ne comprennent rien, ils ne voient rien, mais ils sont là, les camions de télé et leurs
paraboles aussi. Comment peux-tu marcher un œil dans la lumière des flashes et l'autre à surveiller tes pas sur les trottoirs étroits de la rue Riquet, dans les crachats ?
Car la bouche du Métro Marx Dormoy en a craché des célébrités ou des gens simples comme moi venu découvrir le nouvel étalon du vide sidéral. A mettre au pavillon de Breteuil comme on disait avant pour le mètre étalon en platine iridié. (T'as vu, j'ai encore le niveau certif...).
La longue cohorte des curieux hésitait, regardait son plan, et s'engageait dans la rue Riquet. Enfin, heureusement qu'il y avait du monde, car la rue Riquet n'est pas des plus engageantes. Faut avoir besoin ! Quoi ! Mais en ce dimanche ensoleillé, poussé les uns par les autres, on parle fort et on y va, on avance. Dur de marcher à deux de front c'est tellement étroit et envahi de partout, c'est pas les Champs-zé. Même le dimanche, il y a encore des commerces ouverts, des rideaux gris cachent la tristesse des cafés et sous les stores noircis qui tombent en lambeaux de moisissure, quelques éventaires pour ceux qui ne peuvent aller au marché de l'Olive. Puis tout de suite le pont désert au dessus des rails menant gare de l'Est. Pour le touriste « venant de Paris », le risque n'est pas dans la promiscuité de ce quartier pauvre, même plus dans les crottes de chiens qui ont depuis longtemps été piétinées, mais dans le mollard, le crachat, qui colle aux semelles comme la misère...
La Chapelle est une enclave. Le quartier de la Chapelle entre les rails de la gare du Nord, ceux de la Gare de L'Est, coincé au Nord par le périph et au Sud par la ligne N° 2, est un désert vivant. Mes enfants ont fait toutes leurs études en respectant les principes de la carte scolaire, mais ils étaient habitués : dès la maternelle rue de Torcy il y avait huit langues...Aujourd'hui la vie moderne y concentre beaucoup des déshérités. Et ceux qui craignent fuient les écoles de la République pour les privées cathos...
La respiration du quartier se fait donc par la rue Riquet vers le 19eme, le quartier Curial et les Orgues de Flandre, et par la rue Ordener vers la mairie à Jules Joffrin. Pourquoi ce quartier est-il abandonné ? Là, je suis incompétent ! Je peux juste te dire mon émotion après plus de trente six ans que j'y suis, à voir s'y dégrader la vie, la rue, les espaces publics. Alors quand je visite ce 104, quand j'essaye de comprendre ce qu'il peut nous apporter, les bras m'en tombent comme quand je te décrivais la rénovation de la piste cyclable le long du canal de l'Ourcq. Il y a des images, celles que je photographie, qui se veulent belles et agréables, mais l'objectif ne saisit que ce que je lui montre. Autour du « Cent Quatre » la vie n'est pas faite de lumière et de poésie, mais du roulement des trains, de la lumière crue des projecteurs sur les zônes industrielles les entrepots, des pleurs et des cris sur les trottoirs devant les portes cochères tard dans la nuit. De cette longue file silencieuse chaque matin devant le secours catholique...
Le canal de la Villette juste après les Orgues de Flandre, s'affiche comme une nouvelle base de loisir. Même des gros bateaux de plaisance viennent y prendre un anneau. Ils côtoient les péniches relookées en bar, salon de music ou atelier théâtre... Mais les entrepôts Pajol depuis 20 ans attendent qu'on leur trouve une destination. Chaque élection fait naitre un nouveau projet que l'élu avorte.
Le quartier devient sale. Pas seulement parce que la population y est plus dense qu'ailleurs, plus diversifiée mais parce qu'on l'abandonne. Il vaut mieux dix nettoyeuses de chewingum autoportées sur les Champs-zé qu'un balayeur sur la Chapelle. Le touriste est roi, le citoyen n'est que cloporte. Aucune chance d'une vie sociale, juste la rue brute. Faute d'y trouver de la vie tu craches sur ton mauvais sort. La rue est sale, la vie est sale, et ma tête ?
Le vieux Leo chantait le « crachat » à la « Mutu » - j'étais jeune - « Je suis la conscience du monde !»
Autour du 104 et du canal de l'ourcq
Vidéo envoyée par albumrj
ballade aussi dans les mots du vieux Léo
Précédant : 104 unité de mesure du vide sidéral
Voir aussi: mon beau canal