18 octobre 2008 6 18 /10 /octobre /2008 10:04

Autour du 104 - le Crachat.

Ce miroir parabolique qui te renvoit l'éclair du flash sur le mur aveugle du 104, c'est la contradiction de notre système, de notre monde. Ce mur n'est aveugle que d'un coté, il ne veut pas voir la réalité du monde. L'œil schizophrène ignore dans la foule béate de ce dimanche d'inauguration, le quartier abandonné qu'il a du traverser. Ils ne comprennent rien, ils ne voient rien, mais ils sont là, les camions de télé et leurs paraboles aussi. Comment peux-tu marcher un œil dans la lumière des flashes et l'autre à surveiller tes pas sur les trottoirs étroits de la rue Riquet, dans les crachats ?

Car la bouche du Métro Marx Dormoy en a craché des célébrités ou des gens simples comme moi venu découvrir le nouvel étalon du vide sidéral. A mettre au pavillon de Breteuil comme on disait avant pour le mètre étalon en platine iridié. (T'as vu, j'ai encore le niveau certif...).

La longue cohorte des curieux hésitait, regardait son plan, et s'engageait dans la rue Riquet. Enfin, heureusement qu'il y avait du monde, car la rue Riquet n'est pas des plus engageantes. Faut avoir besoin ! Quoi ! Mais en ce dimanche ensoleillé, poussé les uns par les autres, on parle fort et on y va, on avance. Dur de marcher à deux de front c'est tellement étroit et envahi de partout, c'est pas les Champs-zé. Même le dimanche, il y a encore des commerces ouverts, des rideaux gris cachent la tristesse des cafés et sous les stores noircis qui tombent en lambeaux de moisissure, quelques éventaires pour ceux qui ne peuvent aller au marché de l'Olive. Puis tout de suite le pont désert au dessus des rails menant gare de l'Est. Pour le touriste « venant de Paris », le risque n'est pas dans la promiscuité de ce quartier pauvre, même plus dans les crottes de chiens qui ont depuis longtemps été piétinées, mais dans le mollard, le crachat, qui colle aux semelles comme la misère...

La Chapelle est une enclave. Le quartier de la Chapelle entre les rails de la gare du Nord, ceux de la Gare de L'Est, coincé au Nord par le périph et au Sud par la ligne N° 2, est un désert vivant.  Mes enfants ont fait toutes leurs études en respectant les principes de la carte scolaire, mais ils étaient habitués : dès la maternelle rue de Torcy il y avait huit langues...Aujourd'hui la vie moderne y concentre beaucoup des  déshérités. Et ceux qui craignent fuient les écoles de la République pour les privées cathos...

La respiration du quartier se fait donc par la rue Riquet vers le 19eme, le quartier Curial et les Orgues de Flandre, et par la rue Ordener vers la mairie à Jules Joffrin. Pourquoi ce quartier est-il abandonné ? Là, je suis incompétent !  Je peux juste te dire mon émotion après plus de trente six ans que j'y suis, à voir s'y dégrader la vie, la rue, les espaces publics. Alors quand je visite ce 104, quand j'essaye de comprendre ce qu'il peut nous apporter, les bras m'en tombent comme quand je te décrivais la rénovation de la piste cyclable le long du canal de l'Ourcq. Il y a des images, celles que je photographie, qui se veulent belles et agréables, mais l'objectif ne saisit que ce que je lui montre. Autour du « Cent Quatre » la vie n'est pas faite de lumière et de poésie, mais du roulement des trains, de la lumière crue des projecteurs sur les zônes industrielles les entrepots, des pleurs et des cris sur les trottoirs devant les portes cochères  tard dans la nuit. De cette longue file silencieuse chaque matin devant le secours catholique...

Le canal de la Villette juste après les Orgues de Flandre, s'affiche comme une nouvelle base de loisir. Même des gros bateaux de plaisance viennent y prendre un anneau. Ils côtoient les péniches relookées en bar, salon de music ou atelier théâtre... Mais les entrepôts Pajol depuis 20 ans attendent qu'on leur trouve une destination. Chaque élection fait naitre un nouveau projet que l'élu avorte.

Le quartier devient sale. Pas seulement parce que la population y est plus dense qu'ailleurs, plus diversifiée mais parce qu'on l'abandonne. Il vaut mieux dix nettoyeuses de chewingum  autoportées  sur les Champs-zé qu'un balayeur sur la Chapelle. Le touriste est roi, le citoyen n'est que cloporte. Aucune chance d'une vie sociale, juste la rue brute. Faute d'y trouver de la vie tu craches sur ton mauvais sort. La rue est sale, la vie est sale, et ma tête ?


Le vieux Leo  chantait le « crachat » à la « Mutu » - j'étais jeune - « Je suis la conscience du monde !»

Autour du 104 et du canal de l'ourcq
Vidéo envoyée par albumrj

ballade aussi dans les mots du vieux Léo



Précédant : 104 unité de mesure du vide sidéral

Voir aussi: mon beau canal
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15 octobre 2008 3 15 /10 /octobre /2008 15:37

104 - Nouvelle unité de mesure du vide sidéral


Quand tu traverses le 104 ce lundi 13 octobre c'est vertigo ! L'appel du vide. Comment passer de la pression atmosphérique au vide parfait ? Traverse le 104, c'est moins cher qu'une pompe à vide.

Quand tu travaillais dans l'instrumentation, tu testais les composants. Tu  les mettais en immersion dans un grand récipient où une énorme machine Shadock pompait. Là, t'avais un objet plein de sens, destiné à faire des mesures physiques, s'il laissait échapper des bulles c'est qu'il était creux ou plein d'air, mais les bulles d'air qui s'échappaient le remplissaient-elles de vide, où altéraient-elles son sens ? Elles le détruisaient !

Pas de bulles qui s'échappent du 104. Il est bien plein de vide !


La preuve que la pompe à vide marche mieux que l'accélérateur du CERN, c'est que dimanche, la veille quand j'y passe, il est impossible dans la douce moiteur de ce soleil d'automne de traverser droit, tellement l'agitation brownienne des corps surchauffés dans un espace rempli d'individus qui se heurtent sur la vitre de la lumière noire  de l'inconnu, fait barrière. A quoi ça sert ! Qu'est-ce que c'est ! On n'y comprend rien ! Qui travaille là ! Où sont les artistes ? Qu'est-ce qu'ils montrent ? Chaque interrogation ionise l'espace et les hommes-électrons se choquent d'atelier en atelier rejetés / attirés par des forces contradictoires multipolaires.


Dans un tube à vide, comme ton vieil écran cathodique de télé, tu n'as qu'une cathode pour émettre les électrons. Là,  les hommes-électrons sont injectés de partout, et même de nulle part, se focalisent sur un panneau d'écrans lumineux, la seule chose compréhensible : l'atelier vidéo : Anode numéro 4. Elle pompe seule, l'artiste a disparu dernière la technologie et les automates.

Pour décharger l'électricité statique générée, il faillait une mise à la masse (comme  dit mon électricien auto), la prise de terre est constituée des stands d'accueil qui distribuent des ions positifs en prospectus et affiches qui annulent l'énergie hommes-électrons chargés d'incompréhension, ils ont de quoi lire, ils ont de quoi voir, ils sont stables et peuvent quitter l'espace.


Donc ce lundi quand t'y retournes, l'espace est à toi, ou plutôt le vide. T'as le vertige, et tu reviens au bord du vide ? T'es maboul ? D'abord tes impôts ont payé ça, comme au poker, tu payes, faut voir. Comprendre ?  L'hôtesse d'accueil prolonge le vide de son ennui, son regard a dépassé les limites de l'espace, elle est ailleurs, elle s'est construit son univers !

-         Bonjour, pouvez vous simplement me dire qu'est ce que c'est que le 104 ?

Brutal retour sur terre. Elle se lève de son bureau, vient vers toi, te sourit, joli visage rond, des yeux clairs :

-         Un lieu où des artistes peuvent travailler, et où vous pouvez les voir dans leur travail.

-         Heu ! Je n'ai rien vu, j'étais passé dimanche on ne pouvait rien voir, qu'est-ce qu'il y a à voir ?

-         Tout est la !

 Dans ce grand programme accordéon qu'elle déplie devant moi plein de dates et de noms parfaitement inconnus.

-         Je vois qu'il y a des ateliers où l'entrée nécessite un billet 7 ou 5 euro ? C'est quoi ?

-         Oui, c'est pour des dates précises. Qu'est-ce qui vous intéresse ?

-         La vidéo

-         Aller à l'atelier 4, c'est gratuit aujourd'hui, ça fonctionne. Après, je ne sais pas, c'est dans le programme...


T'es seul, sauf une autre hôtesse, son regard te coupe la méchanceté d'être plus direct pour questionner, risquer d'approfondir le vide. Tu prends le prospectus que tu ranges dans le sac à photo. Elle ne se rassoie pas, elle te regarde partir, les bras appuyés sur la tablette. Trop gentille cette fille !


L'atelier 4. C'est le vide vidéo. Dimanche tu ne pouvais y entrer. A cet instant, tu es seul dans une salle immense, huit écrans, une sono impeccable, pour un documentaire où tu regardes une histoire vide de sens, mais sous huit  angles différents... Est-ce la même histoire ?


A suivre : autour du 104

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11 octobre 2008 6 11 /10 /octobre /2008 10:18
Dernier train pour Iguazù


Tu lâcherais bien  tes quatre carreaux pour quatre cœurs. T'entends la locomotive s'arracher pour l'œil de la cataracte. Tu poses ton grattoir , redresses ton dos battu et regarde filer la machine sur l'écran de ton PC, juste derrière, le trou béant de la cataracte est là. L'émotion de cette lente approche vers ce site magnifique revit. Ça fait deux jours que tu veux préparer ton sujet pour ton blog, mais tu t'es lancé dans des gros travaux de décapage de tes carrelages de sanitaires, il faut bien en finir : encore un coup d'oxydrine ! Frotter à la laine de fer, rincer, espérer... Ah ! Revoir ton Argentine !

Pour tromper ton impatience tu te passes la vidéo sur le PC, t'as le son de  tes souvenirs pendant que tu frottes.

T'avais fait ton dernier sujet sur le Périto Moréno. Tu quittes la Patagonie avec ses immenses glaciers et ses vents frisquets, tu te retrouves en Amazonie, avec sa chaleur humide sous un soleil éblouissant. En vingt-quatre heures ça te dépayse. Seulement là il faut penser aux petits soins contre les moustiques. Entre les  deux sites, plus  de trois mille kilomètres.

Tu voudrais jeter l'éponge sur ces carreaux, et rebattre tes coups de cœur du moment !

Quand le bus te dépose à l'entrée, un petit train t'attend ;  si tu ne connais pas le parc national d'Iguazù, tu prends ça pour de la frime. Tu te trompes ! Le train t'emmène doucement dans ce décor amazonien. Il suit une piste de terre rouge avant de rejoindre  un des innombrables bras de ce Rio Iguazù; sur son trajet, il fait une courte halte dans une vraie gare qui dessert des activités nautiques (mais je n'ai pas vu de raft ou de kayac sauter les chutes), avant de te déposer au plus profond du parc. La tu es enserré dans la grande boucle d'un méandre au pied du chemin des belvédères. Plus de quinze kilomètres.

Dans ce premier sujet tu retrouves ta découverte, ta première approche, comment tu chemines au soleil, le rythme un peu cadencé par Huguette,  le long ou au-dessus d'une immense étendue d'eau plate, presque sans courant.  Le rio Iguazù est large à cet endroit de plusieurs kilomètres, à peine délimité au loin par la ligne verte de la végétation.  Après un petit bosquet sur un petit ilot, de l'autre coté d'une passerelle, une brume monte, t'entends le bruit qui n'est pas encore un grondement. Tu aperçois juste ce premier bord de la cataracte qui crée ce gigantesque  remoud. Encore deux cents mètres et tu y es. L'écume remonte du fond du gouffre d'eau, te trempe en quelques secondes. Tes objectifs son liquéfiés, tu t'es fais avoir ! Un petit repli, tourner le dos, essuyer, tu protèges l'objectif avec ta casquette tu la retires le temps de viser et de déclencher. Essuyer encore.

Quand nous aurons parcouru les belvédères au-dessus des chutes, nous prendrons un autre chemin pour les voir du dessous. Un autre sujet !



Allez, tu reprendras bien un petit coup d'oxydrine pour finir le voyage !

A suivre:Ombres et Lumières d'Iguazù

Précédent: Périto Mréno et le canal de los Tempanos

Début: retour d'Argentine.



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6 octobre 2008 1 06 /10 /octobre /2008 21:18

Perito Moreno  depuis le canal de los Tempanos

 

Au moment où je reprends mes carnets de voyage en Argentine, entendant les informations sur la crise financière, et la pagaille des Etats,  je retrouve approximativement une pensée de Pierre Dac qui voulait qu'on remplace dans le dictionnaire de l'Académie l'expression « doucement les basses » par « doucement les hausses ».

Trente kilomètres de long, 195 km2, avec un front de 4 à 5 km et une hauteur de plus de soixante mètres au-dessus du niveau du lago Argentino. Impressionnant.  « Doucement les basses ». Malgré le clapotis, malgré le vent, le glacier respire en sourdine. Quand le bateau coupe les moteurs et se laisse dériver près de son front,  ton attention est toujours alertée par ces morceaux de glace qui se détachent dans un craquement de branche qu'on casse, plongent dans le lac  et doucement dérivent.  Quand l'agitation sur le pont se calme, tu l'entends le glacier, tu ressens les forces extraordinaires qui le poussent, le déchire. Le glacier est vivant, il avance. Depuis combien de temps n'a-t-il pas obstrué le canal de los Tempanos? Au moment de te donner la réponse, je ne sais plus, en  plus j'ai prêté mon petit guide « Geo » à la voisine qui prépare son voyage.

Ces quelques photos et cette courte vidéo pour le plaisir de la lumière, du cache-cache de minuscules éclaircies et des gros nuages. Des arcs-en-ciel à peine perceptibles, et cette attente du gros bloc qui se détache. Bien sur toujours quand tu ne regardes pas.  Ces glaciers sur le Lago Argentino sont pour moi un moment fort de ce voyage. Un peu idiot, hein ? Cette contemplation des glaciers ? Pourtant ton imaginaire travaille. Plus que les km, les masses immenses en jeu, c'est la sculpture des glaces, que la lumière rasante comme un spot au théâtre débusque entre les ombres et l'éblouissement des reflets. Comme je cherchais à saisir la chute d'un sérac, mon caméscope a pas mal tourné, et c'est en revoyant les images que je découvre comme une galerie de portraits. En même temps, en prenant conscience de la profondeur des crevasses, les tensions de la glace, je comprends mieux qu'il y ait des passionnés pour des randonnées au milieu des séracs. Mais faut être pro !

 


Nous quittons avec ce sujet la partie « froide » de l'Argentine, la Patagonie. Dès demain après une nouvelle escale à Buenos Aires, nous volerons vers Iguaçu.

A suivre: Dernier train pour Iguaçu

Précédent : Perito moreno - Lago Argentino

Début: Retour d'Argentine

 

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27 septembre 2008 6 27 /09 /septembre /2008 21:09

Le village et le lac de la Punte

 

Tu n'avais jamais vécu là, à cette saison. Tu n'avais jamais eu la sensation d'être aussi seul en plein village. Un vingt-quatre septembre. Un vingt-deux septembre, Brassens aurait ajouté « je m'en fous ». Une date anonyme, à l'abandon de l'histoire. Tu attends ton frère, tu ne vas pas te lancer sur ton VTT, tu ne veux pas être crevé. Pourtant le matin est beau. Ton bol de café à la main, tu regardes la brume du matin envelopper le clocher. Le village l'a fait taire. C'est vrai que d'entendre sonner toutes les heures deux fois (sans parler des demies) ça t'occupe le jour et surtout la nuit ! Quand tu t'es payé quatre heures sur ton VTT, la cloche peut sonner, tu dors. Mais tout le monde n'a pas ta chance, et ceux que l'insomnie travaille ont protesté. Alors il s'arrête le soir au dixième coup de dix heures, pour ne reprendre que le matin à sept heures. Et là quelle revanche ! Si tu n'as jamais compris l'expression « te faire sonner les cloches », viens ici, après quelques coups d'échauffement, après avoir donner l'heure en sept coups comme au golf, la cloche te sonne trente trois coups ! Si t'avais la moindre velléité de grasse matinée, le dieu sonorisé par la voix des cloches te rappelle que la paresse est un des sept péchés capitaux.


Pas besoin que le petit froid d'automne t'amène les brouillards matinaux. En t'explosant ton dernier rêve la cloche t'installe une brume cotonneuse dans ta pensée matinale.  Tu te passes la tête sous le robinet d'eau froide espérant te relancer dans le jour et la lumière du soleil, tu t'habilles rapidement. Tu prépares le café, et  constatant que le pain est sec tu te votes un budget croissants frais. A peine huit heures, la boulangère sans ciller t'annonce plus de croissants, de pains au chocolat, il reste une baguette ! Si tu veux encourager le client à stocker dans son congélo les croissants industriels du supermarché, tu t'y prendrais pas autrement. Le voisin qui me croise sur le retour martelé d'un pas rageur, me demande ironique : « vous avez eu quelque chose ? » C'est vrai que tu as plus de chance de pécher un poisson au lac que d'obtenir ce que tu as besoin du boulanger. La loi du marché des puissants de la finance, ici, a son modèle par « la régulation de l'offre ». Pendant la guère et même après,  les tickets géraient le rationnement (pour ceux qu'avaient pas la tune), ici c'est la pénurie dès huit heures...A la bolchévique !


Le café bu, la tartine avalée, le soleil te fait de l'œil derrière la brume. Pour tromper ton attente tu prends l'appareil et va faire quelques photos...Crois pas que je sois fâché  contre le boulanger, non, mais s'il faut réserver son pain et ses croissants vingt-quatre heures à l'avance, les discours sur les commerces de proximité qu'il faut encourager tombent à l'eau !


Au lac !


Quand j'arrive, il y a deux pêcheurs qui se taquinent en comparant leurs équipements. Impossible de faire le grand tour, la boue tient lieu de chemin. Le petit vent pousse le brouillard, mais d'un coup le bleu poussé par le petit soleil, t'attire. Tu remontes par la tour. Ce village a son histoire, sa tour, son château, mais plus de souvenirs que de vie. Pendant cette grande heure de déambulation tu n'auras croisé personne de connu, rue de derrière, rue de devant, juste l'image de deux VTT  laissés par deux gamins attirés par la télé du mercredi.



 

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12 septembre 2008 5 12 /09 /septembre /2008 11:48

Pluie de châtaignes.

(De St-Cierge-la-Serre à Saint-Michel de Chabrillanoux).

 

C'est ton premier jour de vacances. T'es en Ardèche, il pleut. Le vélo est dans ton coffre, il n'attendait qu'à rebondir sur ses amortisseurs gonflés, mais le vieux VTTiste, se dit qu'avec cette pluie et ce froid, les tendinites vont repartir de plus belles, et que ce sera adieu vélo pour la durée du séjour. Prudence donc !  Il n'est pas neuf heures quand tu entres dans la librairie à la Voulte, tiens, une nouvelle carte sur les Monts d'Ardèche ; bof, elle ne couvre pas bien la région, ah ! Mais là peut-être que ça vaudrait le coup un jour où il fait beau, sans forcer, mais ça te changerait.

En attendant, il pleut.

La jeune femme au comptoir vient de valider des dizaines de tickets de jeu : bingo, keno, loto, que sais-je ? Elle pose sa tête sur ses deux mains, les bras accoudés au comptoir. Lassitude, fatigue, ennui ? Dehors il pleut. Tu vas pas passer ta journée avec deux cartes IGN ? Tu tournes en rond dans la librairie. La « Dépêche », tu ne l'as jamais lue, alors pourquoi ? Pour rien, t'es aussi KO que la caissière, si le temps continue comme ça tu vas péter tes fusibles.  Les bouquins (les livres disent les auteurs) t'as pas trop suivi, t'étais dans le concret, remettre en état l'appartement pour que ton fils s'installe. Chez toi il y avait aussi du chantier, donc le temps libre, c'était pour frotter, peindre, ranger, nettoyer ; alors les bouquins !

Sur une petite desserte à part, deux petites piles, quatre ou cinq livres dans chacune, et un debout devant pour faire l'affiche. « Châtaignes au sang », l'auteur Michel Riou, la quatrième de couverture te parle de l'Ardèche profonde et de celle d'aujourd'hui, d'un polar qui te fait passer de l'une à l'autre. Et un autre bouquin d'un instit sur la région de Sainte-Agrève où j'avais fait du VTT il y a deux ans en remontant l'Eyrieux par le chemin de l'ancien chemin de fer départemental.

Avec mes cartes, la Dépêche et mes deux bouquins, je m'adresse à la jeune femme, au plus profond de son ennui. Je lui tends les livres et demande : « Ils disent que c'est écrit  par des gens de la région, vous connaissez ? »

-« Non, je lis pas ! Celui là, il y a des gens qui m'ont dit que c'était bien ! L'autre, je connais pas, c'est pas un instit qui l'a fait ? »


La caissière me donne un sac plastic où je me déleste, et j'emporte mon trésor jusqu'au petit café. Inutile de rêver d'un croissant, sauf à aller toi-même à la boulangerie deux rues plus loin. Mais te voilà installé, le café fumant, devant toi la grande place arrosée par la pluie, le pont qui enjambe le Rhône est à peine visible, le journal ouvert sur la table. La prison de Privas fête ses cent quatre vingts ans (excuse-moi si mon souvenir est flou), et c'est l'occasion d'un article sur l'origine de la prison, comment la décision de faire de Privas le chef lieu de l'Ardèche avait fait l'objet d'une mini guerre civile...

Avant de décider par lequel des deux livres achetés commencer, je glane de page en page, un coup dans l'un et puis dans l'autre.  Et là, voilà-t-y pas que le héros du polar se retrouve dans la prison de Privas !  Plus d'hésitation, le choix est fait. Ma tasse est vide, et je décide d'aller dans un petit patelin que je n'avais pas pu bien voir il y a deux ans : « Saint Cierge-la-Serre ». Trop fatigué par la chaleur, le VTTiste n'avait pas fait de photos. Il y a une petite route qui serpente, difficile d'y croiser en voiture. La pluie ne lâche pas prise et de la montagne ardéchoise tu ne vois que ton essuie-glaces. Tu t'arrête sur la petite place entre la mairie et l'église et tu prends le polar.


Pas trop d'humour dans le début du roman. Même un peu de méchanceté et quelques petites lâchetés ; les gendarmes sont jeunes, sans âmes, juste professionnels. Plein de réminiscences me revenait des vieux polars d'Exbrayat, comme ça, ancrés dans un terroir de la Haute Loire, avec des  gendarmes faussement patauds, très  bonhommes, et connaissant profondément chacun des villageois que l'histoire leur faisait rencontrer. Et bien entendu tous les secrets et la malice des vieux paysans, des clans familiaux.


Rien de cela en Ardèche. Des échoués sur les rives mouvantes du « progrès ». C'est en cela que le personnage est attachant. Son retour de prison à pied de Privas à Saint-Michel par les Ollières-sur-Eyrieux est une ballade nostalgique dans les métiers perdus, les lieux d'activité abandonnés, les châtaigneraies envahies par les genêts et  les ronces. On découvre l'Arcade, le petit bistrot /restau où les parties de carte, seules, rassemblent les rares êtres vivants.

J'y suis allé, le menu unique avec cuisses de grenouilles et gratin au fromage ne m'a pas arrêté. Je suis aussi repassé en vélo un jour de beau temps. Il y avait plein de monde...la patronne savait-elle qu'elle servait de modèle dans l'histoire ?


Les petits cailloux blancs de l'intrigue, ce sont les châtaignes. Quelle différence y a-t-il entre la châtaigne de Privas et celles de Saint-Michel de Chabrillanoux ? Tous les intéressés le savent, sauf les juges, bien sur !


La pluie s'adoucit, quelques grosses gouttes tombent encore des feuilles et tambourinent sur le capot. La voiture est complètement embuée. Tu poses le livre, baisses les vitres et démarres le moteur. Douze degrés. Un coup d'essuie-glaces et ici et là l'espoir d'un peu  de lumière. Tu prends la carte et décides de faire le parcours jusqu'à Saint-Michel. L'appareil photo est là, tu trouveras bien quelques châtaignes et des vieux murs.


Précédent: La voulte sur Rhone

Rappel : Ballades en VTT dans la vallée de l'Eyrieux


 

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4 septembre 2008 4 04 /09 /septembre /2008 16:20

Château Bijou

D'abord t'es un peu sceptique. Ils ont fait un livre sur le village.  Les anciens, les retraités se sont prêtés au jeu de la mémoire, et tranquillement ont tissé les souvenirs, pour leur donner forme.

J'ai pensé, ou plutôt espéré, en découvrant l'ouvrage à cette couverture navajo mise en scène par Tony Hillerman dans son roman : « Le chagrin entre les fils », une autre traduction du titre est « le chagrin tissé ». Cette œuvre, un peu comme la tapisserie de Bayeux, voulait rassembler dans la mémoire tissée ce que des êtres (le  peuple navajo) ont de plus précieux, qu'ils veulent sauver et transmettre. Trésor culturel que des générations vont rechercher pour s'en approprier les vertus.

Lisez Tony Hillerman. Je suis certain de ne pas avoir tout lu de ce qui a été publié en France, mais des livres comme « le vent sombre », « femme qui écoute », « les clowns sacrés » restent bien présents dans mon imaginaire. Comment fait-il pour évoquer des « ombres » et qu'elles s'incarnent en toi le lecteur ? Comment son immobilité dans la nuit noire des montagnes glacées du Colorado, anime-t-elle dans ton regard de centaines de personnages hauts en couleur qui transmettent l'essence de leur vie perdue ? Comment acceptes-tu les symboles, les valeurs et même la puissance des esprits, sinon parce que la densité de l'homme lui donne corps et sens ?


Le village nous fait revisiter l'histoire par la lorgnette béarno-basco-aquitaine, et quelques guerres de religion. L'histoire scolaire qui m'a tant ennuyé. Où sont les hommes qui ont fait ce pays ?

Une femme !

Le livre devient attachant dès qu'on aborde l'histoire de château Bijou et de sa créatrice Mme Combes. Je viens dans ce village depuis 37 ans, et je n'avais jamais mis les pieds dans cette immense propriété, sinon pour les cent premiers mètres de l'entrée principale, en y suivant quelques noces venues y faire des photos.

Dans la mémoire du village, il n'y a que peu de trace sur la personnalité profonde de cette femme, sur son projet de vie quand elle fait construire ce château avec tant de références culturelles, ce parc où des dizaines d'espèces rares de tout continents ont été implantées et se laissent encore admirer, ces serres où les jardiniers cultivaient potager et arbres fruitiers. Essentiellement ce sont les aspects « somptuaires » des réalisations qui ont imprégné les imaginations et marquent le souvenir. Mais qui était-elle réellement ? Ce château, ce parc ne relèvent pas simplement du caprice, même s'il fallait une immense fortune, mais bien du besoin vital, de se recréer un espace de vie, de rêve. Un refuge ?

Quand tu parcours les chemins encombrés de ronces et que ton œil est attiré par des centaines de détail, l'aboutissement de  la réflexion sur ce qui devait « être beau », tu comprends que rien n'était là par hasard; l'ensemble devait faire sens : lequel ?


Héritage impossible à porter ! Propriété impossible à entretenir quelle qu'en soit le propriétaire, un incendie a,  il y a quelques années, fait prendre au site son style « à l'abandon ». Des panneaux invitent les caravaniers. Du coup j'en ai fait le tour, découvert les trésors minuscules et les dégradations majuscules. Même si « le presbytère n'a rien perdu de son charme »...

 

 

Voir aussi: merci pour les chaises

 

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AUTOUR DE CHATEAU BIJOU

 

Merci pour les sièges.

Carte postale de remerciement de la famille propriétaire de Bijou,  à un chaisier de Labastide Villefranche. En 1923.

  chateau bijou - le parc

Château Bijou.

Longue promenade ensoleillée dans le parc du Chateau Bijou. Le charme de la végétation agit. Le temps a structuré l’espace.

bijou-terre-de-feu-10.jpg

Arboretum ou terre brulée.

Première ballade du coté des dégats subis par le château.

tempete-sur-chateau-bijou-01.jpg

Tempête sur château Bijou.

Anecdote de ta première vision du village avec l’arbre suspendu.

les-hauts-de-chateau-bijou-13.jpg

Les hauts de Château bijou.

Quelques photos prises depuis la tour Sarrasine. Les dégâts des incendie et de la tempête.

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31 août 2008 7 31 /08 /août /2008 20:39

La sieste au fond du jardin

 

Quelle chaleur ! Dans le garage bien fermé la bagnole affiche 34° ! Tu te sens un peu ralenti. Tu ne sais quoi faire, où te poser. Puis tu ouvres la porte donnant sur le petit jardin. La chaise longue est là, surement  ton épouse l'a installée. Tu te laisses aller et doucement tu parts. L'ombre du catalpa te calfeutre.

Tu n'es pas un farouche acteur de l'après midi couché, même si parfois quand tu bossais, le dimanche après-midi il t'arrivait de « te perdre » sur le canapé pendant parfois une heure. Mais là, tu es libre. Simplement tu as mal estimé ta ballade VTTiste, et du coup après le repas, tu es surpris par une sorte de torpeur qui en même temps exprime ta fatigue, mais aussi te maintient agité à la recherche d'un « quoi faire ? » qui ne se découvre pas. C'est ça aussi la retraite, t'es libre de faire quelque chose ou de ne rien faire.

T'as testé le canapé, mais sa proximité avec la rue et les plaques de fonte sur les nouveaux raccordements au réseau d'eau qui carillonnent au passage des bagnoles te lasse.

Tu optes pour la sieste sur la chaise longue sous le catalpa.

Il fait chaud. Les murs du jardin te revoient leur chaleur. La lumière est crue et l'ombre trop intense, presque envahissante. Tu fermes les yeux et tu lâches...


Tu repenses à ta ballade VTT. Pourquoi tu n'avais pas regardé les dénivelés des deux chemins forestiers du bois de Mixte ? Sur le retour ils t'ont cassé les cuisses et du coup trois quarts d'heure de selle dans la fatigue et la chaleur, t'es con !

Pas seulement. Le VTTiste a vieilli, et le plaisir d'une belle cote n'est plus le même. Ah ! Ces ballades depuis chez le pépé...Au retour tu ne prenais pas de douche, il n'y avait pas de salle de bain et juste une cabane au fond du jardin,  avec un seau pour les gros besoins. Des fois,  quand c'était trop chaud, comme aujourd'hui, t'enlevais ta chemise en arrivant près du lavoir, et tu  basculais tête la première jusqu'à la ceinture dans l'eau glacée des abreuvoirs. Pas malin, mais ça effaçait tout, d'un coup !


La sieste.

Les grands-parents par ces grosses chaleurs la faisaient complètement. Les volets des fenêtres n'étaient pas ouverts. L'intérieur de la petite maison n'était pas suffocant.. Sur la route le goudron fondait et collait aux roues. Pendant qu'ils se reposaient, tu déplaçais le banc vert en lattes de bois. Le plus souvent il était sous le tilleul, mais tu aimais mieux dans le verger sous le pommier. Une petite bataille d'ombres et de lumière se jouait entre les arbres. Le pommier, le cerisier et le prunier. Tu faisais attention avant de poser le banc où l'herbe avait été fauchée. L'herbe, c'était pour les lapins, et le soir vers sept heures quand le grand-père venait faucher de quoi remplir un petit panier, il ne fallait pas que l'herbe soit piétinée. Des fois, quand ton papa était là, il étalait une bâche sur l'herbe pour permettre aux petits de s'amuser et de tenter la sieste dehors. Tu n'aimais pas être couché dans cette herbe, trop d'insectes !

Sur le banc tu te sens protégé, inaccessible...


Le petit vent joue avec les feuillages, les feuilles agitées ont leur petit cri pointu que tu aimes tant. Tu clignes pour sentir les changements de la lumière, tu rêves de rien, tu penses à rien, juste s'il y avait une pomme de mure ? Tu connais le refrain, « les pommes, il faut prendre celles qui sont par terre ! » T'avais pas l'œil, des fois tu croquais, et tu recrachais aussitôt, sur, il devait y avoir un ver. Mémé dormait, alors tu sautais pour attirer une branche, attrapais la première pomme que ta main pouvait saisir et d'un petit tour de poignet tu la cueillais. Lentement, méthodiquement tu la frottais sur le devant de ta chemise. Elle brillait. Puis tu la sentais, le nez collé dessus. En même temps tu la tournais pour la regarder de partout : pas de ver. Les dents s'enfoncent, le bruit des craquements de la pomme t'emplit les oreilles. Elle est encore un peu verte, le jus ne vient pas tout de suite, mais au fur et à mesure que tu mâches l'acidité te remplit la bouche et ta salive suce chaque brisure comme un bonbon. Le parfum t'emplit le nez. T'es gourmand, tu enfonces toutes tes dents d'un coup, la peau de la pomme cisaille  tes gencives, et ta langue repousse tant bien que mal    le quartier pas encore détaché qui  te bloque la mâchoire et la respiration. Tu mords encore plus fort, ça se crispe derrière les oreilles, et tu décides qu'il faut l'arracher avec la main. Le craquement fait vibrer tes tympans. Mais tu ne peux mâcher, le morceau est trop gros, il te coince le palais. Tu vas quand même pas recracher ? Petit à petit tu en viendras à bout. Et le trognon ira loin dans le pré du voisin. La langue rappeuse, les dents « pointues ». Tu t'essuies le menton avec le gros mouchoir à carreaux mauve pris dans l'armoire.

A ce moment tu te rappelles ton parcours à  vélo, tu as gagné la minute que tu voulais, même plus ; mais il y a quelque chose qui frotte, il faudra regarder tout à l'heure, sans doute le porte bagage a encore tordu le garde boue quand tu as secoué le vélo pour monter en danseuse..



Aujourd'hui ton vélo est magique, tu peux rester un an juste avec un coup de jet d'eau et un coup de bombe d'huile siliconée. Mais tes parcours se rétrécissent et si tu calcules mal, la fin est pénible. Pourtant, tu sais que tu repars le lendemain !

Après quoi cours-tu ?

Après quelle nostalgie ?

Après quelle jeunesse ?

Après quel rêve ?

Tu sais justes que tu as besoin d'y aller. C'est profond, c'est dans tes gènes, c'est ton moteur !


Avant de plonger dans ta sieste, t'avais préparé ton tour. D'abord Orègue vers « ta bergerie basque », ta petite route en haut de la crête qui te laisse voir La Rhune et le pic d'Orhy. Mais au lieu de remonter par Bardos, tu veux revenir par les routes forestières du bois de Mixe. Sur la carte c'est tout vert, et tu ne fais pas attention aux côtes...

Avant neuf heures l'air est frais. Tu n'hésites plus sur les routes, les braquets : tu es passé tellement de fois ! T'as l'appareil photo en bandoulière, il cogne un coup contre le guidon, un coup contre ton bide, tu raccourcis la courroie. La montagne au loin est dans une légère brume matinale, quand tu tourneras la tête à ton retour, ce sera une grosse brume de chaleur.

T'as déjà fait des centaines de photos du coin, alors tu te jettes dans quelques chemins, s'il y a quelque chose à voir. Là, ce sera le chemin pavé de glands murs. Ici une grande prairie verte te fait t'arrêter. Tu cadres et un énorme tracteur réclame le passage. Derrière, il traine sa tonne de fumier.

Un peu avant le sommet de la crête, la route devient un billard en bitume. La première fois où tu y étais passé, il n'y avait qu'un chemin de cailloux concassés. Tu redescendais secoué  et les mains crispées sur les freins. La pente est si raide que tu sais que tu ne peux la remonter. Là tu te laisse aller, ton GPS te dit plus de 80 km heures, et sans un coup de pédale. Un virage pointu en bas et tu peux virer vers la route des bois. Le petit pont te saisit par sa lumière filtrée qui par la réflexion dans l'eau fait comme un halo. Le temps d'une photo, d'un biscuit et d'un bidon d'eau. Ça te rappelle, le pont de la Pichotte quand tu descendais les bois de Lyoffans, laissant ton grand-père à la sieste. Tu ne faisais pas de photos à ce moment là, tu ne pensais qu'à filer ! Le coin a été saccagé par les routes à quatre voies, il n'y a que ton souvenir qui en reconnaisse la lumière.

Sur le retour vers Arraute, les engins de terrassement sont là. Bien des grosses maisons sont à l'abandon, des lotissements sortent un peu partout. L'espace du VTTiste se rétrécit, pas seulement à cause de ses  muscles..

 

Rappel: la bergerie basque



 

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28 août 2008 4 28 /08 /août /2008 13:57

Le gué de la Bidouze.

 

Tu sais que les méandres de la Bidouze et la confluence Gave Adour Bidouze (le bec du gave) est un de mes coins préférés. Seulement, j'ai du épuiser tous les itinéraires que je connaissais pour m'y rendre. Le VTTiste aime renouveler son parcours et surtout son décor. Sinon à quoi sert  la rando, la ballade? J'ai toujours aimé pédaler, quand on était gosse, j'étais chez le grand père. A tout moment on veillait sur toi, il y avait une barrière devant la maison, la franchir était toujours un problème. Alors tu disais, je fais un tour en vélo!

- Où tu vas?

tu répondais mécaniquement:

- A la scierie!

ou pour changer:

- A la fontaine de l'Athé

Dans tous les cas tu devenais libre, tu échappais à tous les regards, tu allais où tu voulais.

Gamin, tu respectais à peu près les règles, mais tu pouvais aller à l'étang ou chez un copain. Adolescent, si tu t'installais au bistrot pour un baby foot, la rumeur remontait le village et s'insinuait dans la cuisine de ta grand mère qui arrivait brandissant le parapluie (l'arme fatale) pour te ramener au bercail comme un vulgaire poulet. Alors là, ta liberté était simple: tu prenais le vélo et tu annonçais que tu partais au village distant de 20 km ,  pour visiter une tante, un cousin. Il n'y a pas de téléphone, ta journée est libre, suffit juste de passer à toute vitesse ,dire bonjour, parce que quand même, tout finit toujours par se savoir.

 

Donc le vélo c'est d'abord la liberté.

Et puis aujourd'hui avec ces VTT vraiment "insubmersibles", tu peux "explorer" des chemins que tu n'aurais jamais pris, ni à pied, ni en voiture. Tu renouvelles le sens de cette liberté. Oh! Il n'y a rien d'extraordinaire, ni d'exploit spectaculaire, rien que quelques instants seul, compter sur toi, sur ta capacité à tourner les jambes, et puis espérer le petit coin "magique". Bien sur, les agriculteurs où les chasseurs y travaillent ou y passent régulièrement; la magie  est là seulement pour toi, par les conditions particulières qui te font découvrir le lieu!

La Bidouze, le te l'ai aussi montrée au pont de Viellenave, et je me dis qu'elle passe à moins de 5 Km d'où je me trouve, il doit bien y avoir un passage ?

Je renouvelle les cartes, les IGN au 1/25000, ( tiens, eux aussi, ils se laissent porter par le courant de hausse des prix), je commence le repérage chez le libraire et je constate qu'il me faut trois cartes pour l'itinéraire que j'envisage.

Donc ce matin, le bol de café fumant, j'étale les cartes sur la table et j'essaye de m'y retrouver. Comme par hasard, elles ne sont pas toutes de la même édition, et les sentiers et petites routes ne sont pas représentées sur chacune avec la même charte graphique. Ça aide bien..

La, derrière le village Arancou, une indication, « gué » ! Pour regénérer ta capacité de magicien, transformer un parcours bourrin en moment de bonheur, il te faut un but: le "gué", c'est déjà un nouveau monde!

Du coup tu repenses ta ballade, un gué sur la Bidouze, il faut voir ! Tu reparcourres les méandres, tu constates bien, que de Viellenave à Came, il n'y a pas de pont, mais aussi qu'il n'y a pas de chemin régulier sur les berges, il va falloir se grimper les petites collines autour. C'est le jeu de la ballade, c'est son piment ! Mais il faut toucher le lieu du trésor!

 

Ce matin le ciel est brumeux, tu espères qu'il se lèvera vite, mais non ! Dès que tu es sur une crête, les vallées sont uniformément grises, sans intérêt pour ton appareil photo.

 

Enfin te voilà parti, t'as pointé des chemins qui te feraient éviter les routes connues, mais à moins d'un kilomètre de ton départ, première déconvenue : sur la carte, le chemin bien net vers la fontaine de Thux  n'existe plus en réalité, un champ de maïs immense couvre tout le coteau. Pourtant, tu te rappelles être passé là, à pied, certes il y a longtemps, mais quand même !

 

Bon, tu te replies sur la route pour les premiers kilomètres. Ça va te chauffer !

Quand tu t'engages dans le sentier tu n'es plus sur si tu veux passer par le haut du bois de Bayle ou tenter un improbable passage plus près du lit de la rivière. C'est l'option « haut » que tu prends, comme préparée.

Le sentier grimpe tout de suite, et tu t'aperçois que les maïs qui t'entourent font bien plus de deux mètres, pourtant il n'y a pas d'eau ?

Quand tu sorts du bois, trois chemins:  tu choisis le plus à gauche, la grande descente un peu cassante, et tout d'un coup tu entends l'eau. Tu ne la vois pas. Près de la maison en ruine, tu marches un peu; la Bidouze est derrière, cachée par les arbres et les taillis. Tu te relances, le coup tendu pour essayer de voir, debout sur tes pédales. Mais non, faut continuer. Brusquement un large chemin clair descend abrupte de la colline et fait une tache de lumière, éclairant le chemin sur la gauche: la trouée  vers le gué. C'est un gué, un vrai, deux rangées de rochers, et le lit plat qui te montre la reprise du chemin de l'autre coté. Quarante centimètres d'eau  au plus profond, peu de courant, pas de trou visible, le fond est régulier; mais le VTTiste ne s'engage pas, juste quelques photos. C'est vrai qu'il avait envisagé de passer, mais là tout seul...

 

Tu reprends ta carte, refais la route et tu vas repartir par ce chemin qui reprend de la hauteur au bord de la rivière; dès que tu as un peu monté, tu quittes le sous-bois, il s'élargit et les plantations de kiwi te remettent dans le monde civilisé. Un peu plus loin il se sépare en trois branches, comme une patte d'oie. Tu t'arrêtes pour sortir ta carte. D'un coup sur une hauteur, d'une petite ferme sans tapage, surgit une grosse « Mercédès », elle te montre la route que tu n'avais pas vue, qui te ramènera tranquillement (mais pas sans effort) sur les hauteurs de Came.

 

Sur le retour tu te surprends à regarder les hirondelles sur les lignes électriques. Elles sont loin. Tu sorts l'appareil et tu fais les deux cents mètres qu'y t'en séparent. Pourquoi ne bougent-elles pas au passage des voitures, et s'envolent-elles à l'arrivée du VTTiste? Je suis triste d'un coup, car il y a longtemps que je n'en avais pas vu autant rassemblées. Quand j'étais enfant mon grand-père me disait que ça sent l'automne. Les hirondelles ont emporté la magie avec elles.

  ---

la bidouze au bec du gave

Le pont de Viellenave

 

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26 août 2008 2 26 /08 /août /2008 20:51

La Voulte sur Rhône, un coin d ‘Ardèche surprenant

 

Au mois de mai tout se met en branle. Nous devons être à saint Laurent du Pape le 15 août, il nous faut un gite et vite. Tu lances tes recherches internet, commences à téléphoner, pas simple, rien avant le 17 et encore, ça dépend de ce qu'on veut. Au fil des échanges et précisions, une chambre d'hôte à Charme sur Rhône reste dispo et toujours à partir du 17. Tu compenseras avec un hôtel, mais finalement tu ne peux vraiment t'installer. Tes valisent ouvertes en vrac te plombent.

Sur la fiche, il y avait marqué repas du soir sur demande. Un tarif, tout baigne. Tu te rappelles que deux ans avant, t'étais venu dans la région, si ta ballade en vélo te ramenait en ville un peu après 13h, les restaus disaient que c'était trop tard. Je ne te parle pas du soir : un seul restau sur les bords du Rhône, à plus de 20 minutes,  et impossible d'y manger une simple salade avec une omelette, toujours le menu gastronomique. T'as beau passer 4 ou 5 plombes sur ton vélo, trop bouffer te charge pour le lendemain.

L'accueil a été rapide, faut dire que j'étais arrivé de bonne heure, je me retrouve la clé dans la main, la porte ouverte et zou! Plus personne. Pas grave, je vide l'auto, monte le vélo et hop, vive la montagne ardéchoise. Le soir, je vois notre hôte et demande pour les repas. Aïe ! Trop occupée, pas le temps. La négociation aboutit à 2 repas pour 5 envisagés, en fait, il n'y en aura qu'un, l'autre est rapidement devenu une proposition de pique nique sur les bords du Rhône, à l'occasion de la dégustation de produits régionaux suivie d'une projection de dispos à la salle des fêtes. Finalement un bon moment de détente et de découverte de la Voulte.


Donc ce soir, je te propose ces photos de La Voulte. Trois parties, vers 20 heures, le petit buffet des artisans locaux, puis la nuit après la projection des diapos, enfin, le lendemain sous la pluie, parapluie d'une main, appareil de l'autre.


Bien sur dans les produits régionaux, il y avait le saucisson, mais aussi plein de variétés de pains. Toutes meilleures les unes que les autres. Pourquoi ces pains là, tu ne les trouves que comme ça, à plus de 500 bornes de chez toi ? Il y avait aussi dégustation de produits bio-diététiques  qui ont fait le régal des connaisseuses. La petite boutique à Beauchastel, tu passes devant sans te rendre compte. Mais la dégustation aura attiré ta  vigilance et tu sauras t'arrêter. Nos hôtes étaient des amis du Président du syndicat, ce qui me permit de profiter de douceurs supplémentaires (tarte aux quetsches,  il est nancéen, et vin de terroir).

 

 

La nuit s'approche, on est au frais sous les platanes gigantesques, et froouut, tout le monde se disperse, ou plutôt se transporte, avec sa chaise, vers la salle des fêtes.  Quand on arrive plus de deux cents personnes sont installées, il y a un petit brouillard sonore. Un grand gars se lève, se présente, ce sont ses diapos qu'on va voir, il est installé à Charme sur Rhône, il est meilleur ouvrier de France, a travaillé pour France 3, et a illustré une chanson de Jean Ferrat, « Que la Montagne est belle ».

 

Je l'avais oublié Ferrat, et quand la chanson débute, c'est deux cent voix qui chantent, simplement, sans forcer, justes. Une vraie communion ! L'illustration mot à mot est naïve (même si les photos sont très belles), mais la ferveur de tous ces gens qui se reconnaissent dans les images et les mots est touchante. La fin génère un gentil brouhaha. Ranger les chaises n'est qu'une opportunité de poursuivre les petits échanges que la soirée a provoqués. Des adresses, un téléphone pour une autre foi peut-être.

 

Je suis attiré par l'éclairage du pont et du vieux château, et par la lune sur le Rhône. Tu dirais une sorte de monstre bleu sortant des ténèbres. Jeu cru des lumières, de l'ombre et de l'obscurité.

Pendant le diaporama, j'ai réalisé que cette ville, La Voulte sur Rhône était la ville qui avait été championne de France de rugby avec les frères Camérabéro. Fin des années 60 ? Je ne sais plus...

Le lendemain j'y refais un tour. Ville sans tape à l'œil. Près du château, une grande friche industrielle. L'activité doit plus se trouver aujourd'hui sur l'autre coté de la Vallée du Rhône. Mais que les dimanches et les lundis sont durs pour le touriste mal préparé. Tout est fermé...

 

A suivre: Pluie de châtaignes.

Autres sujets sur l'Ardèche:

Beauchastel

Vallée de l'Eyrieux


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