L'Ardèche de st Paulet de Caisson à Vallon Pont d'Arc.

Quand ta petite femme te tend l'adresse du gîte, t'as du mal à comprendre où on va. Un coup de
« mappy » et te voilà soulagé. La vallée de l'Ardèche c'est tout bon pour ton VTT. Toi t'as une vieille revanche.
Le gite à st Paulet s'est révélé agréable au début du mois de mai, et t'a permis de vraiment
profiter de tous les spectacles de la vallée de l'Ardèche. Il y a encore de beaux coins que le vieux VTTiste a eu plaisir à découvrir.
Deux ans plutôt, tu te cassais les cuisses dans les côtes autour d'Aubenas, dans le col de l'Escrinet vers
st Julien du Gua (t'avais amené ton vélo de route). Le gite était situé de telle sorte que soit en partant soit en revenant, il y avait 400m de dénivelé à se faire. Donc l'option 1, tu te
carbonisais à froid, l'option 2, tu laissais ton dernier souffle dans une dernière montée épuisante. Des montagnes russes, tu grimpes et tu tombes, que des falaises ! Cela avait été
ton premier contact avec l'Ardèche : que tu planifies quatre heures ou six heures de route, t'étais toujours piégé, tu devais rallonger d'une ou deux heures interminables. T'as beau aimer le
vélo, le plaisir de l'effort, la griserie d'une jolie descente bien à fond, trop de cotes c'est trop dur ! T'avais pas imaginé non plus que même un sandwich, c'était compliqué, donc tu
te ravitaillais avec des fruits de saison, dont les cageots à l'ombre timide d'un soleil implacable avaient du mal à conserver la fraicheur. Dans ton sac à dos, les pêches et les bananes
faisaient un joyeux coulis.
Au bout de trois jours tu balances le vélo aussi loin que tu peux, prends ta caisse, file en ville, il est
à peine dix sept heures, tu commandes un pavé frites dans une brasserie face au château d'Aubenas, accompagné d'un baron de 1664. T'es tellement raide sur la chaise que t'as que deux points
d'appuis. Quand il te porte ton assiette, tu demandes au serveur s'il y a autre chose à faire que du vélo dans ces putains de cotes de m...
Interloqué, il te regarde, puis te dit : pourquoi vous n'allez pas un peu dans la vallée de l'Ibie,
ou descendre l'Ardèche en canoë à Vallon Pont d'Arc. Tu sorts la carte. Bon, deux heures aller retour, tu avales comme ça vient et la bière bue, tu descends à Vallon Pont d'Arc. Les boutiques
organisant la descente des gorges, il y a que ça. Tu attrapes deux trois prospectus et tu seras là le lendemain à 9 heures.
Tu pensais avoir bien choisi, mais en haute saison, les prospectus servent uniquement à rabattre les
clients. Non, pour les personnes seules, il n'y a pas d'accompagnement. Vous avez déjà fait du canoë, ou plutôt du Kayak ? Une fois, mais pas dans des gorges. C'est bon, on est en basses
eaux, il n'y a presque pas de courant, prenez le parcours 5 heures, pagayez ferme dans les rapides, ne vous laissez pas échouer sur les graviers, voilà votre plan, votre point d'arrivée. Mettez
vos objets précieux, votre sac de change dans le tonneau, fermez bien. Prenez le 7 et allez-y !
Vas-y ! Aide-le !
Le bidon est rapidement passé sous une sangle. Une poussée robuste du gars qui t'a aidé et le courant
t'emporte doucement. Le gilet de sauvetage te coince les bras, tu n'arrives pas à l'ajuster et ta pagaie te freine plus qu'elle ne t'entraine. Au premier rapide, marqué sur le plan « rapide
de Charlemagne », tu vois un petit regroupement, les canoës attendent prudemment devant le passage, puis en un ou deux coups de rames volontaires, ils prennent le courant, accélèrent
et passent entre les rochers sans problème. T'entends rire malgré les grondements de l'eau. Tu passes aussi. Tu te dis que t'as le coup. Ta frustration est là, tu t'es à peine lancé que tu passes
sous l'Arche de Pont d'Arc. Comme on t'a dit d'être au rendez-vous à l'heure, sinon le retour c'est le taxi, tu ne sais si tu peux t'arrêter. De toute façon l'appareil photo est resté dans ta
caisse...
Deux trois fois encore tout ira bien. Tu te choisis une berge caillouteuse et chaude pour un petit casse
croute de barres céréales. T'es vraiment en confiance. Sur le petit plan qu'on t'a remis, il reste deux « rapides techniques ». Tu seras à temps au rendez-vous, finalement
tu vas plus vite que l'horaire moyen prévu. C'est vrai aussi que tu ne fais pas de véritables haltes...
Il te reste les rapides de la « Toupine de Gournier » et tu auras fini ta ballade. Tu t'engages
dans le premier en confiance, là, le courant brutal te déséquilibre, tu vas pour t'appuyer sur la pagaie, mais trop tard. T'es dans l'eau, le courant t'emporte, le gilet te remonte, et tu
vois ton canoë devant toi dans les calmes. Autour de toi ça rigole. Toi aussi du coup. Quelques brasses, tirer le canoë, rattraper la pagaie, prendre pied et te rassurer pour finir tranquille. La
casquette est perdue, les lunettes ficelées sont tombées sur le cou. Tu regardes derrière, les autres passent, plus ou moins facile, juste de quoi crier un peu, pour libérer la petite frousse.
T'as pas compris comment tu t'es retourné. Le petit plan avec les indications sur la façon de prendre les passages difficiles est aussi parti au fil de l'eau.
Tu te réinstalles et tu veux te lancer, mais non, tu touches le fond ! Tu dois entrer dans l'eau
assez haut pour t'arracher à la berge et « sauter en marche ». Maintenant te voilà craintif pour le dernier rapide.
Quand t'approches, tu remarques des gosses sur les rochers qui l'entourent ! Ils s'agitent, crient, font
des signes. Tu fais un premier rond prudent à une vingtaine de mètres, tu regardes ceux qui se lancent, plusieurs passent sous les hourras des gamins, mais certains se retournent dès avant
le passage. Tu ne comprends pas pourquoi. T'hésites, t'en laisses passer encore un et tu y vas. Tu penses qu'il faut s'approcher par la gauche en évitant le courant devant le premier rocher.
Comment t'y es-tu pris ? Le courant t'envoie droit dessus, t'enfonces la pagaie pour freiner, tu roules d'un coup, une fois, deux fois. Te voilà accroché au premier rocher, porté par ton
gilet, tes jambes font semblant de nager. Le canoë est collé à l'autre rocher ventre en l'air, un tourbillon l'agite. Au-dessus, tous les gamins s'esclaffent et crient, le pouce en dessous. T'as
bonne mine, la paroi est trop lisse pour t'agripper, tu ne peux traverser là, tu cherches le fond pour marcher. Grave erreur il y a autant de rochers sous la surface de l'eau qu'au-dessus.
Tu trébuches et t'écorches méchamment la jambe, un genou cogne salement et restera bleu jusqu'à la fin des vacances. En tombant, tu regretteras de ne pas avoir ton casque. C'est de la pierre
partout. Finalement tu comprends qu'avec le gilet t'as meilleur temps de nager sur le dos. Tu remets ton canoë dans le bon sens ; le tonneau est toujours attaché. Tu le hisses sur le
bord et le traines comme tu peux dans les cailloux de la berge en contournant le rapide. En bas quelqu'un a récupéré la pagaie et te la tend. Tu ne ris plus.
Tu arrives au rendez-vous, avec de furieux élancements dans la jambe, le genou raide. Devant toi d'autres
tirent leur embarcation en haut d'un talus de terre noire. Tu abandonnes la tienne comme ça.. Un jeune attrape la corde et t'interpelle, puis apercevant ton genou, il se ravise et te demande si
ça va. Ca ira. T'as récupéré ton tonneau. Tu l'ouvres, il est plein d'eau : portefeuille, fringues, barres de céréales, tout est trempé. Et zut! . Rien pour te sécher, te changer, et
la camionnette du retour annoncée en retard. Les jeunes chargent les canoës sur les remorques, t'attends, t'en as marre...
Tu trouveras ton calme le lendemain dans la délicieuse vallée de l'Ibie.
N.B : Les photos de
Pont d'Arc sont du 14 mai 2007. entre neuf heures et dix heures le matin, pendant la ballade en VTT