Le Pont du Tramway T3 au dessus du canal de l'Ourcq.
Près des Grands Moulins de Pantin.
Ce mercredi ta balade le long du canal était amère. Quand tu arrives au parc de la Bergère, les flics sont là qui te
détournent et t'envoient dans un énorme flot de circulation, dans une banlieue que tu ne connais pas bien.
T'as pas tes lunettes. Çà t'arrive ! Il est à peine neuf heures, il fait beau, et la lumière dans l'appart t'a fait
oublier les lunettes. T'as pas roulé deux kilomètres que tu reçois le vent, la douceur de la lumière en te disant : aujourd'hui c'est bon, tu te sens revivre, tu vas pouvoir te tester un
peu. Au premier pont tu clignes un peu : zut, les lunettes !
T'avais aussi supprimé le coupe vent, juste un maillot flottant, manche longue, mais l'air le traverse. T'es léger, le sac à
dos avec juste une chambre à air, vraiment la petite rando printanière : pousser un peu les pédales dans chacune des montées, sentir le muscle !
« Faites le tour ! À droite, à gauche, rejoignez la nationale, sur le pont à gauche ! » Injonction
directe ! Pas le choix ! Tu n'avais pas prévu les flics, même si tu te doutais bien qu'il viendraient là un jour.
Depuis que le temps et ta santé le permettent, tu VTTistes deux trois fois par semaine. Tu passes forcément devant le camp de
Roms. Sur ce blog, j'ai depuis longtemps une attention pour eux. Il y avait eu cet hiver des espaces abandonnés. Mais depuis mars, le camp saturait. Les camionnettes municipales vidangeaient les
sanisettes, ramassaient le gros des ordures, mais ça débordait vraiment. Une voiture de police passait là régulièrement. Vitres baissées, discussion avec certains hommes. Vers neuf heures
d'habitude, quand il fait beau, les caravanes sont ouvertes, les matelas dehors, les couvertures sur un fil, les sacs de déchets sont traînés dans un coin. Des groupes se forment autour d'un
caddy de supermarché et se mettent en route vers Paris. Tu les a croisés souvent dans ta rue ou autour du marché. Cet hiver, ta femme a donné des couvertures et de la nourriture aux enfants.
C'est pas des voisins ! Non ! Mais on sait qu'ils vivent là, comme ils peuvent.
Le détour est important. Les ruelles où tu passes gardent au sol la trace des caravanes. Ici et là, un tas d'objets hétéroclites, surmontés de vieux tapis ou moquettes. Tu
n'étais jamais passé là, tu réalises que du monde, il y en avait. Tu ne voyais que la trentaine de caravanes proches de la piste cyclable. Le temps que tu rejoignes la route, tu comprends que du
ménage a été fait. Au rond point avant le pont du tram, à Bondy, t'es dans la cohue provoquée par le rassemblement de tous ces cars de polices.
Tu ne verras qu'un photographe. Impossible de s'arrêter: des policiers tous les cinq mètres ; les klaxons des bus
s’agacent d'un vieux VTTiste au ralenti qui ne sait pas où il va et le poussent en avant ! La petite femme au volant de son bus accordéon, baisse sa vitre et t'envoie quelques petits mots
choisis. Pas des fleurs !
Sans tes lunettes t'as du mal à te situer, tu ne repères pas le pont du tram ! Bien sur il est cinq cents mètre plus loin
que tu l'imaginais. Deux coups de pédales rageurs et te revoilà au bord du canal entre les péniches de sable.
T'as pas assez tourné tes bielles, tu ne fais pas demi-tour, tu continues.
T'as plus la même envie. Mais pour toi c'est important ce petit air frais du matin, t'as besoin de te remuer, alors, les
Roms....La plupart avaient reçus un « OQTF » depuis l'hiver ; tu le savais. Ce qui se passe était prévisible, attendu. En tout cas pour la municipalité qui avait mis le terrain à
disposition et organisé le minimum d’hygiène, c'est un mauvais coup. D'après le journal le « Monde », ils n'avaient pas demandé l'évacuation, ni prévenu...
Faut bien se rentrer.
Tu décides de passer par l'autre rive, normalement non praticable. Mais t'avais roulé là il y a quelques semaines, pour des
photos de vieux bâtiments. Faut juste éviter le verre et les vieux rails. Sauf que là, juste à l'entrée du trou noir d'un pont quelqu'un a posé une barre de fer à hauteur de tête.
Tu l'aperçois au dernier moment. T'esquives en couchant la bécane , tu te retrouves dans le mur, te repousses d'un coup
d'épaule, et ça roule ! Ouf !
De l'autre coté le grand déménagement continue.
Jeudi, t'as plus la même envie. T'es à pied. Tu voulais revoir où t'as failli te planter. Mais des gros blocs de béton sur
trois rangs, interdisent l'accès. Eux, tu les aurais vus. T'avais juste à passer dessus. Mais la barre c'est traître.
T'abandonnes.
Tu traverses Pantin.
Tu marches jusqu'à la tour du fort de Romainville d'où les antennes dominent les ondes. Changer ton point de vue sur le canal
de l'Ourcq. Que voient ceux qui habitent derrière ? C'est là que ton vieil entrepôt, dont tu montres souvent les photos sur ton blog, apparaît sous son jour triste d'épave qui obscurcit
l'horizon.
Retour.
En passant sous le nouveau pont pour le tramway T3, à coté des Grands Moulins de Pantin, ta curiosité te stoppe, regarder les
soudeurs au travail. Les jaillissements d'étincelles te saisissent, t'es pas le seul !
Ce pont, ce nouveau tramway, c'est la ville neuve qui se construit.
Des étincelles de vie !