Bergouey, Viellenave, Bentaberry, l’autre rive de la Bidouze.
Ça se fait comme ça, sans préparation. Le matin il fait beau, mais frais, c’est le bon moment pour dérouiller ta vieille bécane. L’autre matinée, t’avais monté de bon cœur les petites
côtes environnantes, mais t’es agacé par tous ces camions qui te dépassent sans trop de précautions. Les carrières de pierre nombreuses, transforment les plus petits chemins vicinaux en voies
express pour trente tonnes. Combien de fois as-tu bloqué tes freins pour te réfugier sur le haut du talus ?
Donc, il est un peu plus de neuf heures trente quand tu passes le petit pont pour accéder au chemin qui grimpe le plateau de Hurquet. La maison où tu t’étais arrêté, il y a deux ans,
est fermée, grillage tiré, rien ne bouge. Tu continues vers le quartier Egypto; une nouvelle plate-forme (il n’y a que la dalle de coulée) pour des activités agricoles ou d’élevage, est en cours
de construction. T’imaginais pas…
Tu bascules en haut du plateau vers « ta » Bidouze, passes le vieux pont et entres dans Viellenave. Tu pédales
tranquillement, c’est ton deuxième passage sur ce petit chemin qui à la fin du village oblique vers la rivière. Tu la vois à ta main droite, derrière les plantations de kiwi. Le chemin redevient
simplement empierré, tu peux secouer ta bécane sur les bosses qui rythment ta promenade. Ce matin, il y a des tracteurs partout, ça boulonne. Peu après la dernière maison, tu arrives dans les
bois de Labets-Biscay. Un kilomètre et le chemin de coupe se dresse brutalement. T’as le temps de le jauger, tu décides de l’entreprendre prudemment. Il te matera. Un peu avant la palombière tu
mets pied à terre, pousses le VTT qui tressaute sur les cailloux. Trois / quatre cents mètres, puis t’es en haut. Une bonne descente et tu rebondis vers le quartier de Bentaberry.
Les vaches dans le pré, là, noires ou grises, les cornes pointues, n’ont rien à voir avec la « Blonde d’Aquitaine »
que tu croises habituellement.
Tu rentreras par Arraute.
T’étais parti sans appareil photo. D’abord parce que tu voulais pédaler. Ensuite savoir le temps que tu mettais.
Donc le lendemain tu vas refaire le parcours pour les photos. Ce sont celles que tu présentes là. T’aimes pas la cote de
Poulony à froid, mais pour gagner du temps, t’as pas le choix. En haut t’es saisi par les prés fleuris, les champs de colza. Tu te laisses aller à photographier, comme si tu n’en avais jamais vu.
C’est la magie de la lumière. Il fait trop beau. Tout te paraît neuf, avec comme une fragilité dans ce paysage. Tu le vois le plus souvent les maïs hauts, déjà jaunissant, te masquant la
vue. Ton regard est plein de tout cet espace que ce printemps te restitue.
Tu te laisses tomber vers Bergouey. Dans le village tu montes un peu la route vers Bellevue, justement pour te remettre dans
les yeux, les perspectives. Au loin la carrière lève son nuage de poussière. Puis tu t’arrêtes devant la mairie de Viellenave C’est vrai que tu traverses le plus souvent sans t’arrêter. Le blanc
des maisons brille. Une femme assez âgée passe, en s’appuyant sur sa cane, Elle répond à ton bonjour gentiment, s’étonne que tu prennes des photos. Tu lui dis que tu aimes ce village, les
maisons. Tout en continuant son petit pas, elle te montre les lignes électriques, « ça devrait disparaître ! ». Tu sens d’un coup que dans ces petits villages, on voudrait bien que
quelque chose change… Toi, ton plaisir, c’est de les retrouver intacts, c’est à dire comme dans ton souvenir…
Quand tu retrouves le chemin vers Bentaberry, tu te laisses descendre vers les kiwis. Sans le faire vraiment exprès, tu
espérais trouver un sentier qui borde la Bidouze. L’occasion de trois photos. Enfin refaire encore une fois, tes photos des ombres et lumières qui accompagnent les sous bois des berges.
Les photos t’ont plombé l’horaire. Faut faire demi-tour quand le chemin entame sa pente abrupte.
Il faudra y retourner pour les vaches. Mais depuis quatre jours, il pleut…