Faire vivre la lumière.
La Navette du Millénaire au canal de l'Ourcq

Ce jeudi 8 mars, ce n'est pas pour toi l'occasion de t’apitoyer sur le sort des femmes dans le monde, ou sur la reconversion
du gars Sarko. Qu'il dégage ! Que tu l'oublies ! T'auras moins mal au dos !
Donc, t'as fini pour quelques jours de répondre toutes les deux heures à la question : « sur une échelle de
zéro à dix, où situez-vous votre niveau de douleur ? » Il ou elle note le chiffre et puis s'en va. T'es qu'une statistique. Personne ne s'intéresse à toi, ni à ce que tu ressens. Tu te
sens frustré de pas pouvoir exprimer ta difficulté autrement qu'avec une grimace; t'imagines facilement que si le harcèlement de ta douleur armait l’énergie de ton pied, le temps pendant
lequel ton interlocuteur ne pourrait plus s’asseoir, l'aiderait plus sûrement à donner du sens à ta réponse. La force du système, c'est ta faiblesse.
Sûr que, si le gars Sarko, n'avait pas crier si fort « casse toi pauvre con », le pauvre con de vieux VTTiste ne se
serait pas cassé le dos. Depuis, t’amalgames. A la télé, tu ne regardes plus les infos, « t'épileptises » quand il passe.
- Pourquoi t'es dans cet état ? La promenade ne t'a pas fait de bien ?
Au contraire ! Mais la colère t'a explosé comme ça, quand porte d'Aubervilliers, t'as vu des gendarmes tous les cents
mètres. La dernière fois c'était pour l'inauguration d'un commissariat, rue de l’Évangile, par le ministre. Une dizaine de fourgons et trois CRS tous les trente mètres. Quand tu te promènes comme
çà, et qu'il y a des flics partout, tu te retournes pour voir qui est derrière. Que des gosses qui sortent du collège. Depuis, rien n'a changé concernant les vols, les occupations de hall etc.
Enfin rien ! T'exagères un peu ! Ils ont passé le « Karsher » ! Les trottoirs sont propres tout le long de la rue de l’Évangile ! Le long des entrepôts, il y
avait, depuis 20 ans, des tonnes de gravats abandonnés, des carcasses de voitures cannibalisées, des camionnettes pour SDF. Fini, le trottoir est lisse. Même les chiens ne font plus là. Par
contre, devant l'entrée de ton immeuble, ça s'entasse. Tu sais, maintenant quand tu te fais livrer des marchandises, avec reprise de l'ancien, ils se contentent de les descendre et de les poser
une porte plus loin. Moins d'une heure après, comme attiré par quel instinct, un groupe de trois quatre gus renverse tout à plat, tape, cisaille, fracture, arrache. Il te reste 50 cm de passage
sans trop de verre brisé et de ferraille rouillée.
Tous les jours.
Coté flics, c'est toujours propre, coté gens, c'est de plus en plus sale. Ça prouve bien que quand la Mairie veut nettoyer,
même sans Karsher, elle sait faire propre...
Bon ! T'allais au Millénaire, tu sais, le Centre Commercial d'Aubervilliers. Tu y as acheté un ou deux trucs une fois
pour voir, mais même les enseignes où tu vas depuis 40 ans ans te baratinent. Juste avant le centre commercial, il y a un centre d'affaire protégé par des grilles. Devant l'entrée, plein de
gendarmes, un peu décalés deux gus, carrés, la soixantaine affichée, pull de laine, grosse écharpe et blouson chaud. Ils tiennent serrés contre eux une banderole enroulée. Quand tu passes, tu
vois un officier sortir, il va vers les gars, un grand sourire, main tendue : « bonjour Messieurs, comment ça va ? - Bien, ou plutôt NON RIEN NE VA !» Tu n'en sauras pas
plus, la navette fluviale est là, tu accélères. T'as des photos à faire. Mais toi, tu « obnubilises », des flics devant un bâtiment ça ne peut être que pour le candidat.
Alors quelques images de la vue du Millénaire. La lumière te fait du bien, ton premier soleil depuis des mois. Tu poursuivras
ta balade depuis la porte de la Villette vers le pont du T3, et retour par les grands Moulins de Pantin. Les photos en trois série d'album.
Dis ça finit par être un peu répétitif tes paysages, t'as rien d’innovant ?
Vois-tu, le Sacré s'attache a des valeurs du passé, et le vieux con de vieux VTTiste, est curieux de son quartier, du vivre
ensemble qui se transforme en même temps que la rue, les murs, les toits. Il essaie de vivre, mais le « vivre ensemble » a disparu.