Le désert ce n’est pas le vide, c’est un silence habité.
Après une demi-journée de marche laborieuse derrière les chameaux, dans le premier col fait de roches brutes ciselées par le vent, tu te rends, dans une dernière course vaine, tu remontes la caravane, fait signe au guide touareg que tu te rends : Tu va grimper sur « ton » chameau. Le souffle court, les pieds chauffés par le sol et le sable qui a empli chaussures et chaussettes, tu passes la jambe au-dessus du cou de l’animal agenouillé, bien maintenu par son maitre. Sur la selle en bois, malgré le tapis, tu ne trouves pas ton aise. Tu te sens comprimé. D’un mouvement de bâton vers le ciel, il commande à la bête de se redresser. Ils avaient beau te dire d’appuyer tes deux mains sur la croix de bois devant toi sur la selle, la notice n’était visiblement pas claire. Les pates arrières se relèvent et tu glisses en avant sans pouvoir te protéger. Il avait dit la croix ? Où est la croix ? Quand tu comprends, le chameau se relève déjà sur ses pattes de devant, ton angoisse douloureuse disparaît.
Il te faut du temps pour comprendre la position de tes pieds sur le cou de l’animal. La côte est sévère, et tout d’un coup tu ressens le soulagement d’être calé la haut. Presque l’euphorie de découvrir le paysage à deux mètres de haut.
Dans cette courte montée, le soleil te domine. Presque pas de vent. Tu n’entends plus ton talon heurter la pierre dure, ton cœur déraper quand ton pied glisse sur le sable fin du caillou. Tes jambes dures qui quelques minutes avant demandaient du repos, commencent à se laisser bercer par le lent balancier du cou qui accompagne le pas lent mais puissant. Même tu pourrais dormir, tellement tu te sens bien.
La couleur de la pierre te réveille. Au col un vent froid devant toi bataille avec la sueur de ton dos. Pas longtemps. L’ombre te prend. L’air est frais. A cette heure le soleil ne combat plus. Il laisse la pierre gelée, cajoler les courants descendant des hauteurs. En une dizaine de minutes t’as perdu vingt degrés.
Les photos faites d’une main se révèleront moins bien que tu l’espérais. Mais elles témoignent encore.
Les premières émotions passées, on se laisse porter. Le pied du chameau ne rencontre pas le sol avec la sècheresse du sabot d’un cheval. Le bruit est étouffé, la patte n’est pas raide mais souple, le pas amorti. Tu ne sers à rien. Il suit. Alors le silence devient puissant. Devant toi les têtes oscillent inclinées vers l’avant.
Quand la route oblique, tu regardes qui te suit : le chèche ne laisse passer que les lunettes de soleil, tu le reconnais à ses vêtements. Y a-t-il un regard derrière ces lunettes noires ? Tu n’oses l’interpeller. Te retourner sur ta selle a déjà dérangé le silence. Tu ne peux pas ne rien faire ? Te laisser porter ? Ecouter les fins grains de sable couler entre les rochers ?
Par petites bribes, un souffle, une expiration plus poussée, un borborygme, quelques hochements de tête, un rocher déplacé par la marche, les chameaux prennent l’espace du son.