Jardin d’Éole, une après midi glacée de février.
D'abord t'excuser auprès de ceux qui suivent ce blog régulièrement. Ton jouet « internet » est cassé. Oh ! Pas que ça, le téléphone, et la télé de ton offre triple play, tout est arrêté depuis bientôt quatre semaines. Surement une sanction divine contre le râleurs. Tu sais, il y a des coins de Paris qui sont encore plus mal desservis, question numérique, que beaucoup de petits bourgs perdus de province. Généralement les municipalités se sont mobilisées pour obtenir un accès haut débit, quitte à subventionner les infrastructures.
Ici, ton HLM est dans un coin plus déshérité qu'une bergerie au flanc d'une montagne à 2000m. Pendant des années, tu récrimines auprès de ton opérateur, le haut débit c'est le débit de l'eau. T'as plus vite fait à poster ton message comme un drapeau sur un bouchon de liège que tu déposes au caniveau, que de le mettre sur ADSL. On te parle de centaines de kilobits, mais le mot seconde évoque l'heure africaine, ça va bientôt passer, juste, attendez un peu....
Tous les ans, quand tu voyais la publicité sur la fibre, tu croyais que tes posts allaient filer à la vitesse de la lumière, qu'il suffisait de demander quand ton immeuble serait câblé. Et là, au bout de trois ans, tu comprends que ce serait : jamais. Ouf ! Ouf ! C'est pire que la malédiction des sept boules de cristal. Te reste que la catalepsie ! Pourtant ce quartier, qui fourmille de gens branchés, c'est du potentiel ? Non !
Un jour tu apprends que la société « F » a reçu l'autorisation de fibrer l'immeuble. Quand on sonne à ta porte pour fibrer ton appart, tu poses quelques questions sur comment ça va se passer, l'emplacement des équipements, le cheminement de la fibre dans l'appart. « On sait ce qu'on a à faire, vous verrez bien, signer l'accord. » Ben, t'es pas d'accord. Tu appelles ton opérateur, « non, pas de fibre pour vous, pas de solution ».
Et puis voilà que l'année dernière, la voix câline d'une assistante commerciale te propose la fibre à un prix défiant toute concurrence. Même si c'est temporaire. En septembre, te voilà fibré, et le haut débit est pour ton ordi, ce que la lunette astronomique fut à Galilée. La puissance multipliée.
Et puis fin janvier, un sournois voyant rouge te fixe du regard. Ton opérateur te met en garde, on vous envoie un technicien, mais gare, si c'est chez vous, ça va vous couter bonbon ! Le technicien est vite là, et constate son impuissance. « La fibre n'est pas à nous, on la loue, et la société qui l'a posée, c'est pas des marrants, minimum d'arrêt trois semaines ». Passé ce délai, tu rappelles ton opérateur. « Oui vous êtes sur la liste des gens en panne, nous n'avons pas de délai, inutile de nous rappeler, on ne sait pas qui décide des interventions ni quand elles ont lieu. » Te voilà feinter. T'est rassuré sur un point, t'es toujours client, ton compte est débité à la bonne date, y compris les fameux bouquets qui t'enfument plus qu'ils ne te parfument.
T'es un débrouillard, tu t'informes et tu découvres que ton mobile peut servir de point d'accès. Ouais. Pour passer une photo, il faut 7 ou 8 tentatives et t'as divisé sa résolution par quatre. Donc les cinq photos du jour ont mis plus d'une heure à passer. Ton ADSL tortillard était plus fiable que le rayon lumineux qui se perd si facilement en route, faisant l'école buissonnière.
Donc voilà les raisons de mon abandon de poste. Je ne suis fâché après personne, juste on m'a débranché du numérique , et je n'ai qu'un cœur artificiel mobile, très primesautier.
Cinq photos du jardin d’Éole, donc. Le froid est tel que mes promenades sont courtes. Et tant mieux si cela me permet de repasser dans ce jardin, coincé entre la rue d'Aubervilliers et les voies TGV de la gare de l'Est. Plein hiver, exposé au vent glacial, sans presque de lumière, le jardin paraît sinistre. Pourtant les cris des enfants dominent le bruit des bogies des trains sur les aiguillages. Partout le sourire est radieux. Les pelouses sont en cours de réfection, les plantes sont prêtes à refleurir. On attend juste un peu de soleil.
T'avais remarqué lors d'une précédente promenade, que les murs séparant les petits terrains avaient reçus l'onction des tagueurs. Profites toi aussi des sourires des enfants heureux d'être là . Trois m'ont accompagné pendant que je faisais mes photos, voulant voir ce que je photographiais. Très vite, la question « qu'est ce que fais ta mère ? T'as pas une photo ? » Dans l'objectif il y a ce mur avec ce cœur rouge, et ce visage transparent d'un vieillard, faisant pendant au regard jeune de l'autre extrémité du mur. « Elle est morte ». « ça veut dire quoi être morte ?» « Qu'est ce qu'elle est devenue ?» Bon, t'es pas capable d'expliquer, tant mieux ! Elles ont le temps de découvrir...