Premier jour ensoleillé où tu te sens bien. L'occasion de goutter le bonheur d'une balade au bois. Ta pas inventé grand chose, simplement repasser ou tu emmenais tes enfants, ou tu prenais plaisir à courir ou à pédaler.
T'es attaché au Bois de Boulogne, ça a toujours été ton coin, dès que tu as su marcher. C'est ton parc, ton « bois-des-jeux ». Même si plus de soixante ans en ont modifié bien des aspects, quand même tu te reconnais.
Tes enfants tu les emmenais dans ce coin le dimanche matin. Ballon, patins à roulettes, bicyclettes, jokari, tout y passait. Le plus souvent un petit regroupement familial ou amical réunissait quatre ou cinq familles. Une fois les enfants bien occupés, quatre ou cinq parents enlevaient les doudounes, et démarraient le jogging dominical : rejoindre les lacs, faire un tour du lac supérieur, puis descendre vers le réservoir de la cascade, en faire trois ou quatre tours avec sa petite montée bien casse-pattes, et remonter l'allée de Longchamp. Avant la tempête s'organisait un grand match de foot au milieu de l'île aux cèdres. Les équipes s'agrandissaient au fur et à mesure de l'arrivée de nouveaux acteurs, qui prirent l'habitude de se retrouver de dimanche en dimanche. Il y a eu quelques pleurs mais aussi plein de moments de fou-rire.
Seulement les enfants grandissent, et les jeux qui les amusaient tant ont perdu leur charme, ce n'était pas les « bons » copains qui étaient là, et le foot n'intéressait plus que « les vieux ». Le groupe se dispersa, et tu revins seul avec ton vélo, rattraper un groupe qui tournait autour de hippodrome. T'aimais le frisson que procure le fait de rouler serrer, de sentir les accélérations, de faire un tour calme et un rapide, souvent trop, qui te cassait les cuisses pour un bon moment.
Le risque pour des coureurs du dimanche dans ces groupes importants, c'est la chute. Les mains fermes sur tes cocottes de frein, tu pensais toujours contrôler. T'avais vu des gars tomber, il y avait toujours des pompiers sur place, t'avais confiance. Quand ce fut ton tour de devoir sauter au dessus d'un enchevêtrement de bicyclettes retournées, t'as vu grossir la bordure du trottoir comme dans le zoom de ton appareil photo. T'as pu te protéger avec le bras, mais les manches courtes de ton maillot ne t'ont guère protégé. Les pompiers sont là qui relèvent les uns et les autres. Le mercure au chrome te transforme le bras, le dos, la cuisse en tableau impressionniste période rouge.
Çà fait longtemps. T'as eu peur, tu n'étais plus revenu. Tu t'es acheté un casque, un VTT, t'as abandonné ton vélo de route et les pelotons grisants, et t'as commencé ton parcours de vieux VTTiste. Bientôt deux ans que t'as pas pédalé, tu sais que la bécane t'attend. Ça va le faire !