La découverte d'un quartier d'Aubervilliers.
Ce matin là, il n'est pas neuf heures . Le téléphone ! « C'est pour moi ! ». Tu fais ton petit tour sur les news d'internet. T'entends : « si !
à Carrefour, pas loin de Montmorency, il y a « la » table. »
Tu ne sais pas de quoi elles parlent. Mais toi, Montmorency c'est non !
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« Il faut aller à Carrefour, il y a la table ! »
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« Carrefour ? On n'y est jamais allé, et moi, je ne fais pas le tour des banlieues !
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« Regardes sur Internet, on a qu'à aller au plus près ! »
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« Aubervilliers, c'est à dix minutes, je peux ! »
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« Mais est-ce qu'ils ont « la » table ? »
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« On verra, on y va... »
Comme tu n'étais jamais allé dans un magasin « Carrefour », ça va être la vraie découverte, la grande aventure ! Pourtant à Aubervilliers t'as jamais entendu parler d'un carrefour. A ton marché, rue de l'Olive, il y avait eu des inquiétudes, il y a dix ans, quant à l'installation d'une grande surface ; mais depuis, avec la réouverture du marché, les nouveaux commerçants affluent : six ou sept en un an. Donc la peur de la « grande surface » s'est atténuée, ou alors, il n'y a pas de « grande surface » ?
Aubervilliers aujourd'hui c'est un peu galère, à cause des travaux du Tram, le T3. Tu programmes le GPS, il t'annonce dix minutes. Mais au premier feu, t'es à trente. Passée la porte et
le périph, le petit panneau, presque timide, « centre commercial du Millénaire ». Deux cent mètres après t'y es. Le parking est immense, tu ne manques pas de place.
Quand tu débouches au rez-de-chaussée t'es surpris par l'espace, la lumière. Tu déambules sans faire attention à ton but : "La" table à Carrefour ! Quand tu te ressaisis, tu ne sais pas où t'es. Tu regardes le plan; tu penses avoir compris quand tu te retrouves dehors. Le vigile bien gentiment te ré-explique. Tu y es.
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S'il vous plaît « la table » ?
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Je ne sais pas, il faut demander à mon chef quand il aura fini.
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Heu ? La table ?
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Ah ! Non ! on ne la fait pas, on est trop petit !
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Qui ? Où ?
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Un plus grand, voyez l'accueil !
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Bonjour, on cherche « la table » ?
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Oui, je la vois dans le catalogue, mais je ne sais pas dans quel magasin. Il faut téléphoner.
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D'accord, quel numéro ?
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Je ne les ai pas, il faut regarder sur internet...
« La » table c'est fait ! Deux jours de téléphone, mais une personne consciencieuse qui rappelle. Crispant quand même...
Le bonheur du jour, pour toi qui évite comme la guigne, les centres commerciaux, c'est le confort de l'espace. Est-ce parce qu'il n'a pas fait le plein de ses visiteurs ? Tu t'y promènes comme dans un parc, sous une immense verrière qui te laisse voir ton « Paris », ton "périph" ! Le vieux parigot fait deux fois le tour. L'ambiance y est légère. Le périph est maintenu à distance par le canal. Pas de sono, des gens assis tranquillement comme dans un square au bord de l'eau. Presque la plage...
Alors, tu refais un tour, visites tes enseignes habituelles, et testes une ou deux boutiques nouvelles pour toi. C'est en y revenant quatre jours plus tard, que tu déambules avec ton appareil photo. A pied t'as mis un quart d'heure de moins qu'avec ta caisse. A ton troisième passage des jeunes t'interpellent gentiment :
- et nous ? On n'est pas sur la photo ?
Tu souris :
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Non ! Bien sur ! (T'évites toujours de mettre en scène les personnes que tu croises.) tu vas pour repartir, puis tu fais demi-tour.
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Après tout, si vous l'acceptez, je ferais bien une photo. L'un d'eux se lève, dit « pas moi ». Derrière un autre homme, lui, demande à être photographié.
On échange quelques banalités sur le site, si calme et agréable. « Il, n'y a personne, ça ne va pas durer ». Tu donnes le nom du blog.
Le vieux parigot se rentre. Il franchit les pièges de la circulation. Les plots de béton rouge et blanc balisent les méandres d'un chemin longeant les différents chantiers. T'es dans la poussière, le bruit, loin du calme de ce Millénaire.
J'ai mis la photo d'Antoine Grumbach. L'architecte. Je repasserai, faire le grand tour d'un coup de VTT.