Fin de balade de la Pène de Mu à Sauveterre de Béarn.
La première fois que tu as parcouru -en auto ou à pieds- ces routes et chemins, c'est avec celui qui deviendra ton beau-père. Il avait un tel bonheur à vouloir te montrer chaque coin de son pays, chaque détail qui le constituait, que peut-être ce goût pour le retrouver au long de tes parcours VTT, c'est un peu lui qui te la donné.
Il te manque la langue. Il te manque de vivre là. Donc, il te manque tout pour comprendre ceux qui y vivent, y triment, y sont heureux, ou souffrent. L'étranger donc !
Y vivre paraît trop dur. En tout cas pour ceux que tu connais, ou peut-être simplement pour toi. Tant de choses acceptées « naturellement » constituent une contrainte forte à ta simple spontanéité. Tu VTTistes, photographies, respires l'air, apprécies le temps -quand il est beau-, rafraîchis les murs gris du gîte, écoutes la plainte des gens pour se faire soigner, lis les pages locales du journal pour y trouver des divertissements. Tu n'y vis pas ! Donc ! Pourtant si ! Tu trimbales ta nostalgie de vieux parigot. Tes souvenirs d'enfant dans le village de tes grands parents, tu les réécrits au présent : chaque instant évoque en toi la résonance de ce qui t'a fait grandir, acquérir tes premiers gestes productifs, te confronter un environnement différent.
C'est la logique des jours qui est différente.
La seule chose que tu partages un peu, c'est la télé. Et encore pas les mêmes émissions. Ta logique est détraquée par la retraite. Un vrai bon retraité a un tracteur, un atelier, un abri pour la chasse, ou un banc pour laisser filer le temps.
Rien ! Tu n'as rien d'un retraité conditionné, faut que tu bouges, profites des instants, emprisonne l'air, concentre la lumière, réinvente ton espace-temps. Enfant, les lignes qui marquaient ton horizon, un clignement de paupières les tordait, les envoyait voler, comme les barreaux arrachés à une lucarne sombre. Aujourd'hui tu buttes dedans. Ton VTT les contourne sans les recréer. Ton espace temps ne croit plus, se rétrécirait-il ?
Tu retrouves les guides touristiques achetés par ton beau-père. Des sites sont soulignés, en rouge.
Le guide du seuil de 1971, année de ton premier passage.
Sauveterre de Béarn : Moins de vingt lignes et une photo noir et blanc de la petite route descendant au pont de la légende. On y note que dans le gave d'Oloron qui la traverse il y a de la truite et du saumon ! J'y ai surtout vu des kayaks ! On y célèbre aussi, et c'est un comble, un ministre de l'éducation publique qui fit rétablir l'obligation de l'étude du latin. Et après on va te dire que les ministres ne sont pas responsables du désintérêt des enfants pour l'école. Paraît même qu'il a été ambassadeur au Vatican ! Tu l'imagines à la villa Médicis recevant les autres ambassadeurs (en plein guerre de 40) pour leur parler d'Hitler et Mussolini en latin ! C'était peut-être pour tromper les espions ?
Un qui m'a fait plaisir, c'est le gars Baylet, un bon radical ! Pas nostalgique, retour aux sources du radicalisme et de la laïcité, et en plus à l'équilibre budgétaire : comme le président dit si bien, à télé publique, argent publique et à télé privée, argent privé. Et bien maintenant à École publique, argent publique, et a École privée, argent privé. T'arrêtes de subventionner les écoles confessionnelles, d'une pierre deux coups ! Tu récupères la thune pour les écoles défavorisées, et tu remets en une les valeurs républicaines, comme la laïcité, toujours contestées par les intégristes de tous bords.
Tiens en Grèce, il leur suffirait de confisquer les biens de l'église locale pour s'en sortir plus vite. De toute façon le FMI va leur confisquer leur vie ! A-t-on évalué l'équivalent carbone des cierges qui brûlent inutilement en plein jour ? Là aussi, il y a de la taxe à se faire !
Tu vois, la lecture des vieux guides, déclenche la nostalgie du radicalisme à l'ancienne. Ah ! Cette balade de la Pène de Mu à Sauveterre de Béarn, c'est une jouvence !
P.S. J'arrête là la déconne, mais le pont de la légende, il t'en raconte une et des plus déconnantes : le jugement de Dieu : tu balances une femme attachée dans le gave, si elle se noie c'est un assassin, si elle vit, c'est une princesse. Fais gaffe, c'est pas du Disney-land !