Le vol de l'oiseau dans les vents de Biarritz.
T’as retrouvé le plaisir du VTT dans les chemins boueux le long des berges de la Bidouze. C’est le seul endroit où il y a un peu de vie. Les maisons closes du village
l’enferment plus que naguère les fortifs de Paris. C’était presque un terrain de jeu, aujourd’hui on dirait un terrain d’aventure. Les voisins à qui ta femme avait annoncé notre passage,
avaient fait du feu, mis des œufs et de la piperade au milieu de la table dans la cuisine. Tradition de l’accueil. Pourtant huit jours après tu ne les auras pas vus. Juste entendus un peu le soir
tard de retour des soins de leurs élevages.
Des ouvriers s’activent dans les rues, en haut d’un toit, mais les vacances scolaires ont fait taire l’école. Un homme plutôt âgé emmitouflé dans son cabas, la caquette serrée sur la tête, passe devant ta porte, petit signe de la pointe du menton, il essaye de suivre le chien qui l’entraine de ses pas raccourcis par le temps.
T’annonces, demain on bouge, j’irai bien à Biarritz. Ce n’est pas la ville qui t’attire, seulement son décor mis en scène par l’océan. Surtout de la pointe St Martin
à la plage des Basques, le golfe de Biscaye renouvelle ses effets de vagues, ses couleurs. Ce n’est pas concours de plage, il fait frais, même si je vent du sud est particulièrement chaud. Les
rouleaux de la marée montante affutent les surfeurs. La force du vent de terre installe un plumet d’écume derrière chaque vague qui déferle. Les rochers, tu es passé dix fois devant, ils te
fascinent toujours par leur apparente mobilité, ils s’habillent d’écume moussante, disparaissent dans les profondeurs d’un rouleau, ressurgissent mastiquant la mer comme une mâchoire de
crocodile.
C’est là que l’oiseau te prend. Saisissant l’énorme bourrasque à pleines rémiges, il danse comme un cerf-volant devant toi. Il n’était pas sur que c’était toi qu’il voulait séduire. Il plonge, vire, remonte, maintenant il sait. Les enfants retenus par le garde corps, agitent les bras sans pouvoir le saisir. Le vent les fait crier, ils ne s’entendent pas. L’oiseau sait, silencieux il se laisse porter devant toi. Il reconnaît le trou noir de l’objectif, accepte que tu captures son image, son vol est libre et pour lui seul. Il n’a rien à chasser dans ces rochers, les croutons de pain rassis ne l’intéressent pas ; son œil plonge dans la vague. Le vent si chaud le rend fou de caresses, le cou tendu les ailes déployées, il joue. Il joue des courants, il joue des grondements de l’eau dans les pierres caverneuses, il joue des piaillements agités des enfants, il joue de ton regard prisonnier du viseur, il se moque de tes efforts à rester immobile et crispé, lui si fluide et détendu.
Quand il pense t’avoir rassasié, il plonge vers les projecteurs du rocher de la vierge, se moque de leur aveuglement, refait un tour puis choisit sa place sur l’arrête du rocher. Trois battements d’ailes : quand il les plie contre son corps, il est déjà posé, immobile. Il tourne la tête, te regarde longuement, puis coupe le lien qui trois minutes, nous a fait vibrer ensemble.
Quand tu retrouves les enfants du centre aéré, ils te demandent si tu l’as eu ? Tu montres les images au dos de l’appareil : « on n’y voit rien ! »
A toi de voir…