Du four à chaux, aux maisons dévorées par la carrière.
Bien sur, à Arancou,
t’y passes dix fois par an. Rarement en venant de "ton" village, à cause de la cote de « Poulonis » empoisonnante quand tu as les muscles froids. Depuis combien de temps des
travaux de voirie coupent les routes normales ? Tu ne sais. T’en profites pour découvrir ailleurs.
Le vieux lavoir tu le revois avec tristesse, tu t’étais perdu le long de la Bidouze, et tes errances t'avaient abandonné là. Une vielle femme vive et vigoureuse t’interpelle ce jour là. Tu venais de déposer ton vélo pour photographier le site. Tu sors d’un bois et tu débouches sur cette maison isolée, à coté son lavoir avec ses grandes dalles pour frotter. Magnifique hein ! T’es obligé de décliner ton identité et de faire référence à ta belle-mère décédée depuis peu. Ça la rassure, elle l’avait bien connue. De toute façon dans le village personne ne te connaît, même pas le facteur pour savoir ton nom…Juste un étranger de passage. Donc « ton » lavoir est à sec ! Plus d’eau. La source a du être déviée, et là, il n’y a pas de « Manon » pour la réinventer.
Une amie du village te refait visiter. Elle te présente le four à chaux. Tu ne savais pas ce que c’était. T’aurais pu passer là cent fois sans rien voir. Un vestige des savoir-faire ancestraux. Le four est enclavé dans l’espace de la carrière. Sans quelques bénévoles qui l’ont restauré, il aurait été dévoré par l’excavatrice.
Sur le retour t‘es surpris par ces grandes fermes propres comme neuves, et vides. Elles aussi sont promises à la mâchoire d’acier des broyeurs de pierre. A qui le tour ensuite ?
Ça te fait un pincement, tu repenses à ces films où la construction du barrage chassait les populations de leurs lieux de vie et ou l’eau inexorablement engloutit les maisons. Le film s’arrête quand la cloche de l’église rend son dernier battement étouffé. Ici le progrès c’est la noyade, en Amazonie c’est le feu, et à Arancou le gouffre béant de l’excavatrice…
Près de la vieille église, quelqu’un t’a ouvert la porte de sa cour pour que tu la photographies mieux. Merci encore de m’avoir permis de recevoir cette belle lumière.