De Sauveterre de Béarn à la Pène de Mu.
Un peu de Gave, ça change de la Bidouze !
Beau temps ce matin, tout pour la ballade. Le vieux VTTiste a rempli
son bidon d'eau et c'est à peine s'il peut suivre la bicyclette rouge qui l'entraine dans son bonheur de rouler. T'as peur de la fâcher en lui demandant où elle va, tu te contentes de
pédaler et de laisser le guidon te guider. Pourquoi faudrait-il que ce soit toujours toi qui choisisses ? Si les objets inanimés ont une âme, ce vélo cavaleur doit avoir une conscience ! On
file !
C'est l'avantage de ces premiers beaux jours, t'es pas planté par le soleil. Mais la lumière du matin t'attire, et le vélo plus que toi. Pas de vent, encore assez frais, t'y vas pour du braquet, tu donnes du muscle, jouissif ! Le vélo te balance d'un coup dans le petit village d'Abitain, il n'aime pas la grand-route, même si ce lundi dit de Pentecôte, peu de monde circule. Tu te serais bien arrêté deux trois fois faire de photos, mais le vélo t'entraine dans sa course, il sait où il va, il veut y aller vite. T'as qu'à suivre. A Autevielle t'as compris que la route c'est Sauveterre, qu'il ne s'arrêtera pas avant le gave.
Un vélo renifle-t-il les traces comme un vieux chien ? C'est un
parcours déjà fait des années plus tôt. Suivre le gave sous les remparts de Sauveterre. Aller aussi loin que tu peux. Le vélo a vite repéré le gamin avec son chien qui dévale à fonds et se perd
dans les hautes herbes. Tu le rattrapes, lui demandes si ça continue loin ? « Pas trop ! Il y a une ferme qui bloque tout ! Juste un kilomètre. » La même déception se
renouvelle. L'autre fois tu avais suivi en maugréant la petite route qui surplombe le gave en musardant et qui, par Lass, t'avait conduit jusqu'à Navarrenx. Le paysage y est très beau, mais les
bagnoles y roulent vite et comme c'est étroit, que les conducteurs paniquent, ils te frôlent. T'aimes pas...
Tu finis ton sentier du bord du gave jusqu'à la ferme. Tu attends que ton VTT se lasse de faucher les herbes hautes de son pédalier, et qu'il accepte le demi-tour. Il se cabre comme chaque fois qu'il faut rebrousser chemin. Un vélo c'est fier, ça ne veut pas revenir sur ses traces et ça cherche toujours à t'amener coute que coute vers un coin que t'avais pas parcouru. Surtout avec une autre bécane. Ce VTT là n'est pas docile, il sait ce que l'ancien n'a pas su me faire découvrir, il veut m'attacher à sa selle ! Petite négociation autour de quelques photos à faire, surtout que le point de vue te renvoie la lumière. L'église saint André et la tour sont astiquées de neuf par les restaurations, c'est un régal.
Le gave est plein. Il y a du débit et les rapides sont sonores. Juste en remontant, tu passes devant un vieux moulin, seul une aube en acier marque l'endroit.
L'entente se fait sur la Pène de Mu et le retour par Escos.
Beaucoup d'arrêts donc le long du gave, à choisir les objectifs et les angles. Devant l'écran je sabre, sur plus de soixante photos une quinzaine passera sur l'album.
Quand la bécane se remet en route, il y a la route des remparts à monter. T'aurais mieux fait de porter le vélo par l'escalier. En quelques dizaines de mètres le vélo ralentit et tes cuisses demandent grâce. Tu repars tranquillement vers Oraas, récupères un peu et attaques la petite montée pour trouver le chemin vers la Pène de Mu. On avait du trop faire la fête hier. Une suée te prend, et ton casque goutte comme un parapluie sous l'orage. Les lunettes embuées, tu te sens aussi à l'aise qu'un scaphandrier qui aurait son tuyau d'air coincé ! T'es plombé ! A cent mètres du sommet, pied à terre. Puis tu reprends le sentier qui après une courte descente remonte par un sous-bois jusqu'au champ gardé par une statue de la vierge. Tu ne sais pas sur quoi elle veille, elle est tournée vers le bois et ne peut rien voir. Toi, à peine plus. T'avais laissé ton VTT en haut du champ et tu feras deux trois aller-retour pour trouver un peu d'espace pour ton objectif. Tu n'étais pas venu là depuis un certain temps (c'était un lieu de ballade avec les enfants), la nouveauté : une énorme table d'orientation ! Elle te montre tout ce que la végétation t'empêche de voir.
Le petit bois et le sentier sont un piège pour vieux VTTiste. Les motos ont creusé des ornières profondes dans la glaise et la boue au fond te plante plusieurs fois. Deux trois branches basses d'arbres tombés t'obligent à des esquives qui te déséquilibrent. Tu es rejoint par deux enfants qui y vont de bon cœur et se lâchent dans un passage pour atteindre le vieux pont. La pente t'y fait aller à pied. T'as plus la même insouciance.
Tu vois la différence avec le pont sur la Bidouze du GR près de St Palais : pas de garde corps grillagé pour les enfants, pas de passage aménagé avec un caillebotis. Or, la rouille par endroit libère des copeaux d'acier qui peuvent percer ou couper chaussures et vieux pneus.
Tu ne voudrais pas que ce vieux pont ferroviaire qui te permet de passer de Caresse à Escos soit interdit. Il te fait éviter un détour de 6 ou 7 km. Mais rendre ce chemin viable pour la ballade serait une vraie bonne idée.
Photos traditionnelles. Tu t'es baigné là, jeune, tu y as amené tes enfants. Mais le courant est tel ce matin que tu ne voudrais pas t'y trouver.
Les enfants repassent sur leurs VTT, ils sont chez eux au-dessus des remous et du bruit des rapides.
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