Loreto - Dernière mission jésuite de notre séjour argentin.
Argentine (31)
Peu de guides touristiques t'enverront visiter les ruines envahies par la forêt tropicale, de la mission Loreto, en Argentine. Elle est vraiment à l'abandon, et le climat inexorablement réduit les dernières pierres en talus et bosses. Il fallait la passion de notre guide Huguette, pour faire résonner notre imaginaire du rythme des cérémonies, nous faire entendre les tailleurs de pierres, nous faire comprendre le talent des céramistes et la richesse de la bibliothèque d'où sortira sans le savoir l'Argentine, état moderne.
Tu sais, je revisite mes carnets de voyage au jour le jour. Je revois mes photos, mes vidéos, mes petites notes gribouillées sur un carnet sans forme. Du coup, quand la vie te surprend par un de ces évènements que l'on qualifie de « mauvaise nouvelle », t'as l'air ballot de regarder ces images déconnectées de la vie. T'as plus envie. Il faut que le temps lessive ta mémoire émotionnelle, pour que tu puisses retrouver l'ambiance d'alors. Il y a donc des ruptures dans la tenue de ce blog, des changements de tonalité, la niaque n'est plus la même...
Ainsi, cette ballade sur un lieu où tant de vies se sont éteintes, où la nature a repris ses droits, soutenue par le chant des oiseaux et les stridulations des insectes, te renvoie à une sorte de méditation contemplative, en phase avec ton vécu du moment. Alors, tes choix de clips sont simples, tu élimines vite et valorises les ombres et les lumières, les sons « naturels ».
Prends le temps de voir cette petite vidéo. Laisse ton regard chercher dans le feuillage d'où vient ce long sifflement. Tu ne trouveras pas. La végétation est secrète et ton regard ne peut en si peu de temps discerner les trésors de vie qui s'y cachent.
Cette mission jésuite au sud du rio Paraná, quelque part de l'autre frontière de ce qui séparait la colonie portugaise du Brésil de la colonie espagnole d'Argentine, a aussi accueilli les Indiens guaranis chassés par les Portugais. En 1710 y fut écrit le premier livre en langue guarani. Ce haut lieu de culture et de partage social fut, comme les autres missions, victime des intérêts conjugués des colons et du pouvoir religieux de l'époque. Rien n'a changé sur le rôle des religions comme instrument et justification « morale » des conquêtes, de l'intolérance et volonté de domination des êtres. L'intégrisme et le terrorisme en sont simplement le perfectionnement moderne, « industriel », mondial et global.
Donc, l'âme des Guaranis anime ce lieu. Les processions qui réunissaient tant de monde, on parle de dizaine de milliers de personnes, sont encore célébrées, les chemins témoignent de ces visiteurs discrets. Il y avait peut être un paradis, là, hors du contrôle des puissants. C'est normal qu'on l'abandonne.
Si tu as visité ce blog, tu as vu aussi mes sujets sur les carnets d'Egypte. Le pouvoir de Pharaon y est restauré en même temps que les temples qui le célébraient. Là, ces communautés qui vivaient « du commerce équitable », qui avaient élevé les valeurs de la solidarité et du partage au-dessus des valeurs et surtout des craintes des pouvoirs des occupants, contemplent les vestiges de leur philosophie existentielle, rongés par la végétation, utopie détruite par l'oubli du temps, et surtout la disparition organisée par la déportation de ce peuple
On a du mal a imaginé aujourd'hui que ces missions qui ont été détruites dans les années 1770, sont à une génération près concomitante de la révolution française, des droits de l'homme et des prémices de l'abolition de l'esclavage. Plus au Nord de 1734 à 1778 une autre conquête, d'autres guerres...
Ah ! J'aimerais un jour visiter autre chose que des édifices religieux, même rasés, une sorte de « monument Laïc » des droits de l'Homme.
à suivre :Buenos aires - San telmo