La statuette et les fleurs d'anniversaire.
Tu ne sais pas comment prendre cette
journée. Tu ne sais pas qu'il va neiger. Tu ne sais pas que ta roue est crevée. T'as oublié le rendez-vous du soir, tu penses faire des courses de Noël. Et puis tout part de travers.
Deux semaines sans vélo. T'annonces : tant qu'il ne pleut pas je vais faire une heure de vélo. Tu te prépares. A la cave le pneu est à plat, tu cries qu'il y en a un qui t'en veut. T'avais réparé ta roue crevée pour ta dernière sortie, tu t'y es mal pris... Et zut ! Pas envie de faire ça maintenant.
Dans le courrier, la lettre qui t'énerve, tu vas encore manger deux plombes à répondre et pour quel résultat !
Quand tu relèves la tête, il neige. Tu
penses : « Pas une belle neige » en regardant les toits de ta fenêtre. Trop molle, elle mouille. Tu sors juste pour le repas du midi, le froid humide te saisit de
suite. Pas le temps de plaisanter avec les commerçants qui tirent le col de leur polaire et assurent la fixation des bâches autour de leur présentoir. Plus de commerçants que de
clients.
Partout des pas pressés, des têtes baissées, on ne connaît plus personne.
Les enfants qui quittent l'école filent en courant, pas un cri. C'est pas une bonne neige, celle qui fait rêver dans une petite lumière d'hiver, qui brille brusquement quand le ciel se lève. Non, elle mouille juste dans le cou et te fait couler un frisson entre les épaules.
- « On va faire les courses ? »
- « Pas tout de suite, t'as la liste ? Il faut qu'on rentre de bonne heure, on est invité ce soir, t'as pas oublié ? »
Bien sur que t'as oublié. Bon, ça peut attendre.
C'est là que tu prends l'appareil, tu extrais les photos de ce dimanche, et tu te ballades avec. Tu vises. Il y a les fleurs. Les anniversaires, c'est les fleurs ! Un ou deux flashes et tu regardes. Tiens pourquoi pas. Et puis la statuette là ! Valérie Fanchini, le sculpteur. J'ai mis le lien sur le blog. Comment la statuette dialogue-elle avec les fleurs ? Allongé sur l'étagère ce corps de femme ne voit que la plante et le ciel nuageux. Qui y fait encore attention ? Elle est là depuis si longtemps. Tu passes sans la voir. Ou sans te rendre compte que tu la regardes. La plante, elle te dit « de l'eau ! » Tu la regardes changer, faire ses pousses, fleurir, sécher. L'arrosage t'oblige à te concentrer sur elle. Mais la statue que lui dis-tu ?
Alors tu la déplaces et lui offre une représentation exceptionnelle de poses sous divers angles. Là, tu la vois mieux, tu sens que quelque chose peut passer. Il te manque le regard. Tu ne l'as pas choisie, elle s'est invitée chez toi, et depuis, tu n'as pas cherché à la comprendre, à établir le début d'un échange. Mais les yeux sont trop enfouis dans la matière, comment te sollicite-elle ?
Les bras croisés sur ce coussin de pierre, cette tête haute te regarde avec suffisance, elle n'a pas besoin de toi, elle ne te cherche pas, pourtant elle t'observe. Juge-t-elle ?
Tu l'as fait tourner et son premier profil te révèle la force de son appui. Tranquille mais en même temps musclée, sans tension, déterminée.
Le dos est relâché, l'épaule soutient la courbe du cou dans une inclinaison douce et accueillante. Ce dos qui ne se montre jamais révèle d'un coup toute sa sensualité.
Quand tu regardes les photos sur le PC, tu vois d'abord la poussière, neige grisâtre des intérieurs...