Abu Dhabi
Les Emirats.
Je ne pense, pas avant la guerre du golfe, m'être posé une question sur cet état. Combien d'Emirs ? Je sais que je n'aurais jamais imaginé y aller. Mais alors ? Mais alors ? Zorro est arrivé ! Eh ! Eh !
Comment la princesse des contes de Shéhérazade rencontra-t-elle le prince des mille et une Nuits de Paris ?
Du coup tu abandonnes ta capitale, ton Béarn et tu « fly » to the « Emirates »..
Je t'ai déjà dit que je parlais pas espagnol, ben, là, tu sais que je ne comprends rien à l'anglais non plus...
Alors quand tu débarques aux émirats pour des affaires sérieuses, presque des affaires de famille, ouf, comprendre, être compris te manquent. Tu réfléchis, trouves un alibi et tu fais mine de faire la gueule. Personne ne sait à quoi s'en tenir, sauf toi, qui ne comprend rien à ce qui se passe.
Et qui se passe bien.
Tu vois, quand l'avion ralentit pour l'atterrissage, là par le hublot, la terre, enfin ce qui sert de terre, et puis la mer. Mais la mer, malgré le soleil, elle baille d'une moue édentée. Tu te rappelles ces vieux râteaux en bois qu'on utilisait pour faner le foin ou le regain. Et bien pareil ! Imagine le manche cassé et le peigne à plat. Voilà l'image, des dents de roche jetées dans la mer, des bords de mer comme des canaux rectangulaires entre deux jetées, la vue sur la mer c'est la vue sur l'hôtel qui pendant quelques mois aura la vue sur la mer.
C'est fou !
Un ami travaillant à Londres revient et est incapable de retrouver l'hôtel parce que tout a changé, les rues (les boulevards), les repères.
On avait de l'aide sur place pour négocier les tarifs. Mais ils sont si compliqués ( le tarif week end, nécessite 5 nuits pour en bénéficier !) Il y a de quoi se perdre et on s'est perdu. Plein pot donc !
Faut pas croire que je dénigre, à l'aéroport, moins de 10 minutes pour sortir. Il y a une dizaine de personnes au contrôle des passeports : En tout blanc, presque tous des hommes, et en tout noir, jusqu'au plus profond de la prunelle des yeux, une femme. Mais tu passes vite. Quarante degrés au petit matin, le touriste parisien, si tu l'évacues pas, il calanche...
Pour te dire, à Roissy, trois vols, plus de 1000 passagers et trois douaniers. En plus, l'un était décalé, il bouquinait dans sa guérite, il voyait la bousculade, mais ça ne le concernait pas. J'ai été alerté par un gus, surement un habitué, qui contourne la file et lui présente son passeport. Coup de tampon et retour à ses chères lectures. J'ose, j'y vais, coup de tampon et me voilà en tête de liste à la réception des bagages. Demi-heure d'avance sur les derniers...
Tiens une autre, cet après midi j'avais une vingtaine de lettres à poster, j'arrive dans le petit coin où il y a les automates, le changeur et les pèses lettres. Lumière rouge ici, lumière rouge là. Au premier coup d'œil plus de vingt personnes attendent. Derrière le coin libre service, deux préposés font leur pose. Personne ne s'inquiète des exclamations des clients que les pannes indisposent. Vingt minutes mini pour un timbre, c'est toi qui deviens timbré ! Les deux, derrière, qui philosophent : « moi, on ne m'a jamais demandé si je voulais être chef ! Mais dans la tête, je ne sais pas comment je vivrais ça, je me sentirais partagé. Parce qu'au fond de toi, tu sais que pour être chef, il faut ignorer l'autre, et moi tu vois, ça me pose problème... » J'ai pas entendu la suite, je me suis glissé dans la longue file.
Si j'étais chef, des gus qui baillent devant des automates en panne, qui bouffent vingt minutes dans la vie d'un client, une bonne pédagogie sur l'ANPE et le RMI devrait redonner du tonus mieux que l'EPO !
Dis, t'as vu tes photos sur l' hôtel aux Emirats et ton discours sur les préposés ! Oui, je dis juste que quand t'es au boulot c'est pour bosser, que le management c'est pas les pointeuses, parce que les automates en panne, c'est la justification du personnel qui manque. Que c'est le consensus pour que le client, il attende, et râle sur le manque de personnel. Et si on n'y croyait plus ? Et si les manifs bidons ne servaient plus qu'à justifier les jeux de rôle ?
Là bas aux Emirats, j'ai été choqué par une personne que je voulais saluer et qui m'a dit qu'on ne pouvait la toucher. Du coup, plein de buée dans la tête, pas seulement due aux quarante six degrés. Je n'aurai jamais l'opportunité de lui demander, dans mon petit français, si elle veut devenir chef...