Ushuaia - Terre de feu
Argentine (15)
Quatre hommes argentins
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Les mots que ton imaginaire associent à Ushuaia :
La Terre de feu, le Cap Horn, le Détroit de Magellan, ça c'est pour tes souvenirs scolaires.
Aventure, découverte, fin du monde, pays neuf, ça c'est les premières émissions TV sur le thème.
Ecologie, écosystème, autosuffisance, terre protégée, nature préservée, ça c'est le marketing « vert », qui a fait campagne récemment.
Combien de Yamana sont morts ?
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Cette journée, je la marque de ces quatre hommes, tous argentins qui incarnent la vie dans ce coin de la terre de feu.
D'abord ce nuage lenticulaire, quand tu connais l'anarchie brownienne des flux nuageux dans cet environnement, tu t'étonnes de cette « lentille » si bien formée que tu verras passer au-dessus de toi.
Nous nous arrêtons ensuite au mont Olivia, où Alexandre notre conférencier nous indique les montagnes de la Cordillère Darwin orientée Nord-ouest / Sud-est, la « pointe du harpon » (en trident). Les montagnes ici ne sont pas très hautes, moins de 1500 mètres, le mont Darwin va jusqu'à 2150. Puis nous découvrons le lac curieusement noir, la tourbe sous l'eau. La tourbe est présente partout. Elle est exploitée. Mais quand Alexandre nous explique le temps qu'il avait fallu pour la générer, on est interloqué, même si elles sont « protégées », leur exploitation est un enjeu environnemental.
Ensuite viennent les histoires sur l'invasion du lieu par deux petits animaux, apparemment anodins, mais funestement ravageurs. Dans la région d'Ushuaia il y a des arbres en quantité. Des faux hêtres. Je ne me rappelle plus le nom scientifique. L'introduction des castors du canada, au début pour l'élevage des peaux et maintenant, pour rien. Ils ruinent la foret, font tomber un à un les arbres, qui restent là, à pourrir. Officiellement leur décomposition régénère l'humus. Et la surprise des surprises, c'est monsieur lapin. Il n'y en avait pas, les colons les ont introduits au XIX, comme ils n'ont pas de prédateurs et qu'ils ne sont pas consommés, ils ont tout envahi.
Bonjour l'écologie ! Ushuaia, c'est pas forcément une référence !
Sur la vidéo quelques images aussi d'une station de ski, avec élevage de chiens de traineaux, et hôtel coquet facilement accessible depuis Ushuaia.
Nous voilà donc à la Estancia Harberton. Fondées en 1886 par un missionnaire, Thomas Bridges. Un dvd, c'est tout ce qui subsiste de l'activité. Elevage des
moutons, exploitation des forêts. Cet homme amenant son cheval à son piquet de pâture doit s'en souvenir. Entre le tri des dizaines de milliers de moutons, leur tonte, le travail de la laine, le
tannage des peaux, et son pas lourd d'aujourd'hui sous le regard des touristes, une génération à peine, et le voilà jardinier d'une terre qui ne produit rien que du spectacle.
L'avenir est là, c'est le jeune Alexandre, notre conférencier. Un français impeccable, une culture 360 degrés. Il montre tout, donne une raison à tout.
Explique le peuplement, par les bagnards, de la région d'Ushuaia, puis les aides économiques à l'installation des populations et des industries dont a bénéficier la région, puis après le départ
de Carlos Menem (qui a vendu toutes les activités rentables), le lent déclin. En quelques années Ushuaia est passée de 15000 à 70000 habitants. Pas tous, « habilités ». Il nous montrera
les maisons « traineaux », que l'on déplace pour échapper à certaines contraintes législatives. Du coup aujourd'hui, c'est le développement du tourisme, des résidences secondaires
qui assure la vie économique de la terre de feu.
Le passé, c'est cet homme figurant sur la brochure du parc national. Les habitants,
des indiens Yamana, installés 10 000 ans avant notre ère. Ils vivaient nus dans cette région australe. Chassaient les oiseaux, pêchaient, principalement au harpon. Bridges, le
fondateur de l'estancia Harberton avait élaboré un dictionnaire recensant 35000 mots Yamana. La Terre de Feu avait été protégée des invasions coloniales. Elle ne résistera pas à l'évangélisation
par les missionnaires. En même temps que la fameuse « bonne parole », ils apportèrent, les vêtements, la déculturation et les maladies. Fin des Yamana.
Alors cet homme au bras cassé que l'on voit étirer une lanière, que lui reste-il comme avenir dans la Terre de Feu ? Notre conférencier
expliquait qu'à Ushuaia, 80% de la population vivaient des subsides de l'état. Entretient-il le patrimoine des descendants des Bridges, pour y faciliter le regard des visiteurs sur les
vieux accessoires abandonnés dans ce hangar pour la tonte des moutons ? Les agences de voyages qui facturent si cher la visite de ce coin perdu lui permettent-elles seulement de vivre
correctement ? Le prix d'entrée pour voir trois machines délabrées et un vieux tracteur, deux ou trois arbres conservés avec soin, une hutte façon « origine Yamana » n'a pas de
sens.
Mais le marketing est assuré par Alexandre, c'est lui l'homme de ce temps ! Grace à lui, tu fais des milliers de km pour confronter ton imaginaire à la réalité.
Quand nous rentrerons à Ushuaia, le rêve sera régénéré sur le port. Le son de la sirène du bateau partant pour l'Antarctique te surprend, tu l'écoutes et tu décides, il faudra que je revienne et que je passe le Cap Horn.
La vidéo est un peu longue, je sais, prends le temps quand même...
A suivre:les manchots de Magellan