- T’as raison. Vider les valises, faire les lessives, ça prend trois jours. Mais, c’est pas moi qui m’en occupe ! Je décharge les mémoires sur le PC, les fichiers du caméscope, les way-points du Garmin. Et ça, mon ami, ça prend du temps. Apparemment, ce n’est pas lourd, pourtant sur ton PC les logiciels râlent : « pas de place sur les disques durs ! » ou alors « trop de documents chargés, voulez vous sauvegarder ? ». Sans compter Google qui te rappelle que tu n’as pas renouvelé ton abonnement, et qui caresse ta carte bleue. Bref, rien que pour mettre un peu d’ordre et m’y retrouver pour commencer, il faut trois ou quatre jours.
- Alors, c’est quoi le sujet aujourd’hui ?
- La Place de Mai à Buenos Aires. C’est un peu leur « place de la Nation », ou place « de la République ». Déclaration de l’indépendance en mai 1810.
- En plein Napoléon !
- Tu veux dire en pleine guerre d’Espagne !
- La Place de Mai, ce n’est pas celle où il y avait les manifestations des mères de disparus du temps des « généraux »?
- Si. Doris, notre guide locale nous disait que des femmes se réunissaient encore une fois par semaine. Nous, quand on y était, c’était une manifestation de grévistes, d’une entreprise, un casino sur un bateau – un vieux vapeur désaffecté-, en licenciement économique. Ils utilisent des pétards et des tambours. Pas nombreux, mais efficaces.
- Qu’est-ce qu’elle a de particulier cette place pour que les manifestants s’y installent ?
- D’abord, il y a le siège du gouvernement, la « Casa Rosada ». Il y a ce qu’il faut comme policiers. La place est coupée en deux par des grilles légères, pour séparer la partie occupée par les manifestants et créer un espace « libre » devant la Cas Rosada.
C’est aussi une place qui est chargée d’histoire, toutes les grandes manifestations y ont eu lieu, et pas des petites, avec des bombardements du temps de Peron. La plus dure répression en 1945 contre des manifestants CGT qui le soutenaient. Les Porteños n’oublieront pas…
Puis tu as le Calbido, siège du conseil municipal. Un batiment de 1751, plusieurs fois remanié, mais qui garde une expression exceptionnelle.
Et la Cathédrale Métropolitano. Je ne la trouve pas géniale, mais c’est aussi un monument important, avec le mausolée du général San Martin, l’urne funéraire de leur soldat inconnu.
Cette Place de Mai concentre tout ce qui fait l’identité Argentine. Les amérindiens, la colonisation et les massacres, l’influence de l’Eglise, la révolte et
l’indépendance qui sont aussi forts que notre quatorze juillet. Et puis, tous nos guides le rappelleront, la guerre des Malouines contre les Anglais, même si elle a permis de se débarrasser des
généraux, laisse un ressentiment profond.
Voilà, je te raconte comme ça, tu sais tout ça, mais moi, j’ai été sensible à cette affirmation identitaire, à ce discours qui assume les difficultés de la construction de leur nation.
Et j’ai même eu un coup de cœur pour l’aventure des Guaranis avec les missions jésuites. La « Commune » avant l’heure ! Du coup j’ai repassé le DVD « Mission » de Jeremy Iron. Ah ! Quand tu as vu ça sur le terrain, tu comprends mieux. J’y reviendrai si tu as du temps pour me suivre.
- Ta prochaine étape ?
- La Boca (je t’ai déjà mis la photo d’une "légende") et le tango
Début : retour d’Argentine