L’été, tu ne lis pas forcément les critiques et tu oublies ta radio le dimanche soir. Du coup à la fin d’une bonne journée de promenade tu regardes les affiches et quelques fois les critiques placardées sur la porte en verre.
Cette semaine, j’ai donc vu deux films noirs mais pas pour la même raison.
L’un vraiment excellent sur bien des points : l’histoire, le scénario et ses rebondissements, les acteurs d’une présence et d’une crédibilité rares , la fin, noire et digne des meilleurs films d’épouvante, parce qu’elle régénère la haine et la menace…
C’est le film espagnol de Jorge Sanchez-Cabezudo, "La nuit des tournesols".
A voir exclusivement en V.O. tellement la voix des comédiens participe du décor, de la musique, du drame. Tu n’imaginerais pas Raimu disant « tu me fends le cœur » en anglais…
Dans le décor extraordinaire de ce coin perdu des Pyrénées espagnoles, la totalité des habitants accueillent le spéléologue universitaire spécialiste des grottes préhistoriques, comme naguère on recevait le nouvel instituteur dans les campagnes ; ferveur de l’espoir que quelque chose change dans ce lieu clos, à l’écart et plutôt abandonné.
Le braconnier et le taiseux jouent une petite haine ordinaire dont on se demande s’ils ne sont pas complices. On espère la réconciliation joyeuse des deux paysans malins et rancuniers
Et puis l’horreur fait basculer le paysage de ce doux jour d’été dans le sang et la nuit. l’angoisse, le malaise, et l’enchaînement fatal. Quel déclic efface toute raison, bon sens, humanité et produit la veulerie, le mensonge, la honte qui détruit les âmes.
Chacun des six tableaux complète le précédant, six regards qui nous enfoncent chaque fois plus dans la tragédie et révèlent la fragilité des êtres.
Jusqu’au deux images finales, la haine glacée qui s'installe, et la menace silencieuse bien tapie.
Je ne connais pas les comédiens, j’ai vu leurs noms sur le programme. Ils sont d’une justesse, d’une crédibilité incroyables. C’est là sûrement l’avantage de les découvrir: ils sont plus que les personnages, ils sont vrais. Quel choc !
Courrez y !Jorge Sanchez-Cabezudo devrait donner des cours à notre vieux Chabrol.
"La femme coupée en deux" est un des films les plus factices et inutiles que j’ai vu. Il n’y a même pas de second
degré pour pouvoir en sourire, tout est joué à plat, sur le même registre.
Outre que l’histoire est des plus ivraissemblables, elle affiche quelques images préfabriquées sur une bourgeoisie dépravée. Les personnages sont des caricatures de romans de gare d’il y a trente
ans. Ah ! Rendez-nous Guy De Cars….
Là, où des comédiens comme Michel Bouquet ou Jean Yann créaient une atmosphère froide de cynisme, de perversité secrète ou de cruauté torturée, Berleand a un regard bovin de bout en bout, satisfait de lui, spectateur et metteur en scène de sa suffisance. Quelle épaisseur ? Quelle complexité ? aucune …il est absent.
Et Magimel dans le rôle du jeune fils d’industriel ! Il accumule tellement de clichés que la caméra en 24 images par seconde ne peut tout enregistrer. Il ressemble à ces personnages de roman photo des années soixante. Bien glacé. Qui a dit qu’il s’était fait une tête de James Dean ? Lui, il était vivant et génial.
Quant aux personnages féminins du film, tous plus prévisibles les uns que les autres, ils nous font regretter Stéphane Audran ou Isabelle Hupert qui installaient leur volonté, leur folie, leur fêlure, au fil des silences, des regards, des vibrations du corps. La, il n’y a eu qu 'agitation, déguisement du corps et un secret de famille qui fait pchitt. Inexistantes et sans âme.
A éviter. Même si j’aime tellement Chabrol.